Monographie datant de la fin du XIXème siècle et pouvant contenir quelques inexactitudes.

Aspect général du pays

La commune de Thouron n’est pas tout à fait dans la partie montagneuse du canton de Nantiat. Le sommet de ses côteaux dépasse peu 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Riche en étangs, en petits courts d’eau et par suite en prairies, elle est encore assez boisée. On y trouve de forts gracieux paysages, qui n’ont pas toutefois les vastes horizons des montagnes voisines. Le Prince Napoléon-Weyse qui a habité quelques temps ce pays a écrit, non sans raison, que ’’Thouron était une magnifique terre, entourée d’eaux et de forêts, émaillée d’étangs et de verdoyants pâtura

Rivières

Le Vincou, qui prend sa source entre Compreignac et Saint-Sylvestre, est la rivière qui arrose cette commune. C’est le principal affluent de la Gartempe dans le département de la Haute-Vienne. Il a une longueur de cinquante kilomètres, et dans son cours intérieur, il atteint une largeur de quatorze mètres. Il traverse les étangs de Tricherie et de Château-Moulin, et sert ensuite de limite à la partie nord de la commune. Ses eaux sont assez poissonneuses, mais les poissons voyageurs, comme la truite, ne remontent pas au-delà de ses étangs.

Nature du sol ; éléments qu’il fournit à l’industrie

Le sol de la commune de Thouron est granitique et n’offre aucun élément à l’industrie. On trouve partout des carrières de moellon, et en quelques endroits d’assez beau granit pour pierre de taille.

Produits naturels du sol

Le chêne, le châtaignier et le bouleau sont les arbres les plus répandus. Le long des ruisseaux croissent l’aulne, le saule, et un petit nombre de peupliers. L’accacia et la peuplier blanc sont assez commun. On trouve aussi quelques arbres verts qui réussissent parfaitement, et quelques sorbiers dans la forêt qui couvre une superficie de 113 hectares.

Le seigle est cultivé partout, pendant qu’on sème fort peu de froment. Le blé noir ou sarrazin, couvre de nombreuses terres. On fait aussi un peu de maïs, de trèfle et autres plantes fourragères.

Le botaniste trouvera dans plusieurs étangs, en particulier dans celui du château et celui de Tricherie Trapa natans. L. ; et comme curiosité le gui croissant, dans le parc du château, sur l’accacia, le peuplier blanc et le tilleul.

Langage

Dans la commune de Thouron tout le monde comprend le français et le parle avec les étrangers ; mais le langage usuel est le patois. Nous sommes ici sur les limites du Limousin et de la Marche, et par suite sur celles de la langue d’oïl et de la langue d’oc ; aussi le langage se sent-il de ses deux dialectes. Je donne, comme document, un curieux testament écrit dans la langue du pays, en 1475, par Jehan Faulcon, seigneur de Thouron.

Mœurs

Les doctrines politiques répandues de nos jours et l’émigration des ouvriers qui atteint encore cette commune, ont une affluence pernicieuse sur la famille et les bonnes mœurs. Beaucoup d’hommes valides quittent chaque année le pays, et vont à Paris ou à Bordeaux, abandonnant le soin de leur patrimoine et de leur famille aux vieillards, aux femmes et aux enfants. Les bénéfices qu’ils rapportent, quand il y en a, n’ont jamais compensé les pertes causées par l’abandon de la terre, qui ne reçoit jamais aucune amélioration.


On trouvera de curieux détails se rapportant aux anciens usages, dans le testament de Jean Faulcon, à la fin de cette monographie.

Commerce & Industrie

On ne connaît d’autre commerce dans la commune de Thouron que la vente de bestiaux et de produits de la terre. Les habitants fréquentent surtout les foires de Compreignac, le 8 de chaque mois, et celles de Nantiat, le 4. Pour s’approvisionner, ils trouvent dans ces deux localités de nombreux magasins de draperie, nouveauté, mercerie, etc., etc.

L’industrie est à peu près nulle dans cette commune.

Institutions

Il y a au chef-lieu de la commune une école communale pour les garçons fréquentée par quarante élèves et une pour les filles qui en réunit trente-cinq. Thouron, qui est une des onze paroisses composant le doyenné de Compreignac, fait partie de la perception de Compreignac, et dépend du bureau de poste et du receveur d ’enregistrement de Nantiat

Voies de communication

Cette commune est desservie par le chemin de fer de Limoges au Dorat. La station de Thouron est à quatre kilomètres du bourg. Elle est traversée de l’Ouest et à l’Est par le chemin de grande communication n°5, de Confolens à Bourganeuf, et du Midi au Nord par le n°7, de Limoges au Blanc. Le chemin n°96 de Bellac à Compreignac, est en construction ; il doit passer au village de la Combe.

Souvenir et monuments historiques

Les souvenirs historiques sont peu nombreux dans cette commune ; ils se rapportent surtout à son château. Il n’y a pas d’autre monument ancien à citer.

THOURON, chef-lieu de cette commune, doit probablement son nom, qu’on écrivait jadis Touron, à son ancien château. En Limousin, on donne le nom de tour à tous les châteaux forts. On dit les tours de Châlucet, la tour du Bar, la tour de Lur, la tour de Royère, etc., au lieu de château de Châlucet, château de Bar, château de Lur, château de Royère. Le mot Tour a du former Touron et même Touradis, nom d’un village de cette commune.

Sa position géographique est sur le 46° degré de latitude nord. La ligne qui représente ce degré passe près du chef-lieu et divise son territoire en deux parties à peu près égales. Cette commune, qui a une population de 571 habitants et une superficie de 1372 hectares, fait partie du canton de Nantiat et se trouve bornée à l’Est par la commune de Compreignac, au Nord par celles de Saint-Symphorien et du Buis, à l’Ouest par celle de Nantiat et au Midi par celle de Saint-Jouvent.

« L’histoire de cette bourgade, dit le Prince Napoléon-Weyse, est obscure. Elle ne contient que celle des différentes dynasties de ses seigneurs, et si on le veut bien, les vertus de ses curés, modestes serviteurs de l’Eglise, qui après une vie silencieusement dépensée au service de Dieu et de l’autel, se reposaient au pied de ces mêmes autels, où pendant tant d’années ils répandaient le sang théandrique régénérateur du monde.  »

« J’ai longtemps habité le château de Thouron. Il est bien bon de prier dans son humble église, Dieu, peut-être, parle mieux à l’âme fidèle dans ce temple villageois déserté que dans la magnifique cathédrale ».

Thouron, l’église

Thouron fut donné à la cathédrale de Limoges en 1012, puis cédé à Flavignac en 1084. On trouve ensuite en 1098, la donation de l’église de Thouron à l’abbaye de Saint-Martial. A la suite de ces donations, l’abbaye de Saint-Martial de Limoges posséda l’église de Thouron et quelques biens fonds dont le revenu servait de traitement au curé. Aussi, depuis cette époque, jusqu’à la Révolution, ce fut toujours l’abbé de Saint-Martial qui nomma les titulaires de cette cure.

Le patron de cette paroisse est Saint Pierre-ès-Liens, dont on fait la fête le 1er août.

L’église est une construction romane du XIIème siècle, restaurée en 1498. Elle n’a qu’une seule nef (15m60 sur 5m50) qui n’a pas conservé sa voûte primitive. Un lambris en bois, fait vers 1728, l’a remplacée jusqu’en 1888, époque à laquelle remonte la voûte, en brique actuelle. Elle est éclairée par quatre fenêtres plein-cintre.

Le sanctuaire (4m80 sur 5m70) a une voûte d’arête au centre de laquelle on a placé, postérieurement à 1620, une pierre en forme de clef de voûte, portant les armes de la famille Dupeyrat. Il est éclairé par deux baies, décorées, depuis 1861, de vitraux à personnages. Celui du Nord représente Saint Pierre-ès-Liens, patron de la paroisse, et celui du Midi la Vierge Immaculée. Au bas sont les armes des donateurs : parti, au 1er d’argent au lion de sable, armé, lampassé et couronné de gueules, qui est du Breuil-Hélion de La Guéronnière ; au 2ème d’argent, à trois vaches bretonnes de gueules l’une sur l’autre, qui est de Brettes.

La porte ouverte dans le pignon ouest est formée d’une seule voussure avec colonnette continuée dans le cintre, au-dessus des chapiteaux sans sculpture. Sur une pierre qui la surmonte on lit la date 1682, indiquant probablement l’époque d’une réparation.

On remarque dans cette église un tableau venant de l’ancienne abbaye de Saint-Martin-des-Feuillants à Limoges, qu’a possédée en dernier lieu la famille de Brettes. Dans un grand cadre triangulaire avec la courbure d’une voûte ogivale, sont représentées les trois personnes de la Sainte-Trinité : Dieu le Père, avec un nymbe triangulaire ; le Fils en face de lui, tenant sa croix ; et au haut du tableau, le Saint-Esprit sous forme de colombe.

La chaire, en bois sculpté, représente le Bon Pasteur, accompagné des quatre évangélistes ; elle serait l’œuvre de M. Pacaille, curé de cette paroisse, de 1728 à 1750.

L’église de Thouron possède encore des reliques des martyrs de la légion Thébéenne, placées dans un reliquaire en bois, muni du sceau de Mgr d’Argentré. On lit sur ces ossements : Sancti Brandini, mart. de legione Thebeorum. Sancti Trani, mart., de legione Thebeorum. Quant à la grande châsse en cuivre émaillé et doré qui lui fut donnée en 1790, on verra plus loin le sort qu’elle a eu.

Le clocher en bois, placé au-dessus de la porte, avait jadis plusieurs cloches, dont une à inscription gothique, qui furent prises pendant le Révolution ; celle qu’il conserve aujourd’hui a 0m67 centimètres de diamètre, ce qui indique un poids approximatif de 165 kilos, elle porte cette inscription : IHS, MA. S. Petre, S. Paule orate pro nobis._ Parrain, noble Gilbert de la Cousse, marraine Catherine Madoz._ Syndics : Jehan de Vaucorbeil et Jehan Baritau, 1602.

Une vicairie avait été fondée dans l’église de Thouron par les seigneurs du lieu ; elle fut augmentée en 1475 par Jehan Faucon, seigneur de Thouron, et de Saint-Pardoux dont le testament se trouve plus loin.

Plusieurs autres fondations existèrent aussi dans cette église jusqu’à la Révolution. Une note de 1764 nous fait connaître les suivantes :

« 1° Un service : tous les lendemains de chaque bonne fête de l’année, et le jour de saint Jacques et Philippe pour M. Jacques Dupeyrat de Thouron.

2° Tous les ans, le jour de saint Martial, pour Hélie Madot, bourgeois de Thouron.

3° Tous les ans, le lendemain de la fête de saint Pierre-ès-Liens, pour M. Pacaille, curé de Thouron, qui ayant acheté la petite cuisine autrement la boulangerie de Jean Crousillaud, la donna à la cure moyennant un service tous les ans,

4° Tous les ans, le jour de la Purification de la sainte Vierge un service fondé par François Mounier, dit le Meunier de la Combe, taxé deux livres deux sols six deniers. Le sieur Martin, notaire de Compreignac a fait le testament environ l’an 1724.

5° Tous les ans le jour de Saint-Joseph, service pour Joseph Thouron de Croix-Forge, taxé une livre cinq sols. Le sieur Couty, notaire à Saint-Jouvent, a fait le testament environ l’an 1740 ou 1745 ».

Il y avait encore un service, tous les ans, le jour de saint Jean pour Jean Testet du village de Vilette, qui l’avait fondé par son testament du 21 août 1770, et un autre le jour de Sainte-Anne pour Anne Durousseau, sa mère, chacun un livre dix sols.

Gabriel Mounier, du village de la Grêle, paroisse de Saint-Jouvent, devait annuellement à l’église de Thouron la somme de vingt livres pour le luminaire de la lampe du saint Sacrement, somme qu’il payait à Noël.

Il y avait à Thouron, comme la plupart de nos paroisses, des confréries dont faisaient toujours partie les familles les plus honorables du pays. Les charges et les dignités étaient ordinairement mises aux enchères. Le produit de ces enchères formaient la caisse de la confrérie. Les registres paroissiaux de 1720 nous en font connaître deux : la confrérie du Très-Saint-Sacrement, qui cette année eut les dignitaires suivants : le roi, M. Dupeyrat ; la reine, Melle de Thouron ; le dauphin, Léonard du Rousseau ; la dauphine, Melle Madot ; le mignon, Martial Bérard ; la mignonne, Jeanne Géraudeau ; le porte-enseigne, Léonard Mounier, etc. La seconde était la confrérie de Saint-Jean-Baptiste. En 1720, le roi fut M. Madot ; la reine, Melle Madot ; le dauphin, M. de Montaurand, etc.

Pendant le moyen-âge, on a souvent enterré dans les églises, et cette coutume existait à Thouron comme ailleurs. Les registres paroissiaux nous signalent un certain nombre de ces sépultures. Outre celles des curés du lieu, dont la place était dans le sanctuaire, nous connaissons celles des seigneurs de Thouron : Louis Faulcon, seigneur de Thouron, avait son tombeau devant l’autel de Saint-Martial. Son fils Jehan Faulcon, par son testament de 1475, veut être enterré dans le même lieu.

Antoine Dupeyrat, fils de Pierre et d’Isabeau Duléry, est enseveli le 14 mai 1699 devant l’autel de sainte Madeleine.

Hélie Madot, notaire du bourg de Thouron, est enterré dans l’église en 1702.

Le 30 août 1747, Anne Jouve, veuve de Jean Pacaille, y est ensevelie en présence de Léonard Pacaille son fils, curé de Thouron.

Le 22 février 1752, Marie Origet, épouse de Jean Deschamps, est enterrée en présence de Jean Deschamps, son fils curé de Thouron.

Le 11 octobre 1756, Jean Deschamps, époux de la précédente.

Le 8 septembre 1767, François Dupeyrat, seigneur du Mas.

Le 8 décembre 1772, Jean-Baptiste-François Dupeyrat.

Une ordonnance de 1776 a interdit les sépultures dans les églises, et cet usage a cessé dès ce moment.

Devant la porte de l’église on remarque une belle croix en pierre, portée sur une colonne cannelée, qui elle-même surmonte un autel en pierre. C’est là que l’on dépose le cercueil lorsqu’on vient célébrer des funérailles.

Toutes les funérailles ne se faisaient pas dans l’église, car pour cela il fallait ou avoir des droits acquis, ou payer une somme à la fabrique. La plupart des habitants étaient enterrés dans le cimetière paroissial. Ce dernier était à une centaine de mètres au sud de l’église. Il paraît très ancien. Au centre se trouve la chapelle de Saint-Roch, bâtie probablement en 1631, époque à laquelle tout le pays fut ravagé par la peste. J’ai vu dans cette chapelle, il y a vingt cinq ans, deux belles dalles funéraires portant des armes qui semblent bien être celles de la famille Chauvet ; d’argent à trois fasces d’azur accompagnées de neuf merlettes de gueules ni pattées, ni becquées, 3,3,2 et 1. Aujourd’hui non seulement ces tombes ont été enlevées, mais encore la toiture de ce petit édifice est tombée, et cette gracieuse chapelle si pieusement élevée au centre du champ du repos, sous les grands arbres qui ombragent encore tant de sépultures chrétiennes, n’est plus maintenant qu’une masure.

On a cessé d’enterrer dans ce cimetière en 1864. Le nouveau est situé beaucoup plus loin au nord-est du bourg.

Voici le nom des curés de Thouron, avec la date à laquelle ils exerçaient le ministère dans cette paroisse :

Jean Rouger, prêtre, chapelain de Thouron en 1450.

Vinehaud, le 22 avril 1541.

De Vaucourbeil. Deux prêtres de ce nom furent curés de Thouron, à une date qui ne m’est pas connue, peut-être vers 1600, lorsque Jean de Vaucourbeil était syndic de la paroisse.

Pierre Barmarsrèges, était curé de Thouron en 1658, il y est mort et a été enterré dans le sanctuaire de l’église le 28 mars 1687. A son enterrement étaient présents Joseph Dupeyrat, écuyer, seigneur baron de Thouron, et Pierre de Vaucourbeil.

Jean-Charles de La Brousse, docteur en théologie 1602, 1698.

Pierre Dutreix, dont on trouve quelquefois le nom écrit Dutreuil, 1698, 1710.

Guy, 1711, 1719.

Jean Fraisseix, 1720, 1728.

Léonard Pacaille, 1728-1750. Pendant vingt deux ans qu’il resta curé de Thouron il fit beaucoup de bien, son successeur écrit de lui sur les registres paroissiaux : « Quant il vint à Thouron l’église était comme une grange. C’est lui qui l’a fît vouter, qui fit faire le retable, qui fit boiser le sanctuaire, et a fait faire la chaire et la sacristie. En outre, c’est lui qui a fait faire la maison curiale, et cela la plus grande partie à ses dépens. Il est le premier qui commença à faire tout à fait sa résidence à Thouron. Ses devanciers n’y résidaient presque jamais. Nous devons tous lui savoir obligation, comme à notre bienfaiteur ».

Le sanctuaire conserve encore sa voûte primitive. Celle indiquée ci-dessus est probablement le lambris en bois qui était dans la nef, et qui a été remplacé en 1888 par une voûte en brique.

« Le 15 mars 1750, messire Léonard Pacaille, curé de la paroisse de Thouron, décédé le jour précédent, en la communion des véritables fidèles prêtres, âgé d’environ cinquante ans, a été inhumé dans le sanctuaire de l’église, en présence du sieur Jacques Bouriaud, son beau-frère, et Négrier ».

Jean Deschamps, 1750, 1782. Pendant tout le temps qu’il a été curé de Thouron, il a écrit un très grand nombre de notes sur tous les feuillets libres des registres paroissiaux. Je les ai publiées, en 1890, sous le titre de Chronique paroissiale de Thouron, dans le tome II des Archives historiques du Limousin. Il nous fait connaître son arrivée dans cette paroisse : « je soussigné, curé de Thouron, y suis entré le 15 mars 1750, nommé par M. Négrier, chanoine de Saint-Martial, et y ai pris possession le 15 novembre. Cela occasionné par une contestation entre Mgr l’Evêque et Mrs les chanoine de Saint-Martial, Mr de Coëtlosquet, alors évêque, nommait M. le curé de Morterol près Bessines, disant que tous les bénéfices curiaux appartenant à M. l’abbé de Saint-martial, lorsque l’abbaye est vacante, leur nomination lui appartient de droit. Et Mrs les chanoines soutenaient le contraire. Chacun faisait décider leur droit par les avocats de paris. Mgr l’évêque fut condamné. Ce qui fit qu’il me donna mon visa en vertu de la nomination de Mr Négrier, après m’avoir laissé huit mois vicaire régent ».

En 1764, il donne la liste des services fondés dans l’église de Thouron, liste qui est reproduite précédemment.

Il constate en 1765 que les châtaignes produites par les arbres du cimetière « ont toujours été au profit des âmes du purgatoire, et que les curés en ont employé le revenu en services. On saura également que les offrandes qui se font aux âmes du purgatoire et qu’on vend à l’enchère à la porte de l’église, sont privilégiées pour le curé. De tout temps le curé en a eu la préférence en en donnant le prix du dernier enchérisseur ».

Les revenus de la cure de Thouron consistaient dans le produit de quelques terres et de quelques prés, appartenant au chapitre de Saint-Martial dont cette cure dépendait. En 1769, M. Deschamps abandonna le tout au chapitre à condition qu’il payerait une pension de 500 livres.

En juin 1782, il quitta la cure de Thouron en permutant avec Etienne-Antoine Laurier pour une vicairie de choeur à l’abbaye de Saint-Martial de Limoges. Il passa dans ce nouveau poste les dix dernières années de sa vie. La constitution civile du clergé le trouva ferme dans sa foi ; avec tous les autres membres de ce chapitre il la repoussa ainsi que le serment schismatique que l’on demandait alors à tous les ecclésiastiques. Il supporta avec courage le commencement de la persécution, et mourut en décembre 1792, étant âgé de soixante-dix ans environ. Il a une notice biographique dans les Martyrs et confesseurs de la foi du diocèse de Limoges(Ducourtieux, 1892, un vol. in 8°de 748p.).

Etienne-Antoine Laurier, 1782, 1793, était le fils de Martial Laurier et d’Anne Gondeaud. il avait d’abord été enfant de choeur, puis vicaire de l’abbaye de Saint-Martial. Il succéda par permutation à M. Deschamps, et comme lui il écrivit un grand nombre de notes sur les registres paroissiaux. Ces notes font partie de la Chronique paroissiale de Thouron que j’ai signalée plus haut.

Il y fait connaître une lettre de l’Evêque de Limoges, du 6 mai 1784, annonçant « que le dessein de Sa Majesté et du Clergé de France est d’augmenter les portions congrues de Mrs les curés congruistes. Ils n’ont que 500 livres et on leur en fait espérer 800″.

En 1785 ’le nommé Leypaud achète une tombe dans le cimetière, attenante le vase de M. Masdot, moyennant 24 sols qu’il a donnés au syndic fabricien Pierre Nicole ».

« Le 15 mai 1785, dit-il, par permission de M. l’abbé de Moussat, vicaire général et abbé de Saint-Martial, j’ai béni solennellement la grande croix de pierre que j’avais fait élever dans le cimetière ».

« Cette année (1787) j’ai commencé à jouir des 200 livres d’augmentation accordée par le roi Louis XVI. Les congruistes ont actuellement 700 livres. Je paye aussi 66 livres de décimes ».

En 1790, M. Laurier reçut pour la paroisse de Thouron une des grandes châsses en cuivre émaillé et doré, provenant de l’abbaye Grandmont ; je donnerai, aux documents, le procès-verbal de sa translation qu’en a fait le curé de Thouron. Cette magnifique oeuvre d’art a dû être livrée, comme celles de Razès, saint-Sylvestre, etc…, à l’agent national recherchant du cuivre pour faire une chaudière.

Au moment de la Révolution, M. Laurier eut la faiblesse d’adhérer à la schismatique constitution civile du clergé, et de prêter le serment. C’est après cela qu’il se qualifie « curé de Thouron, aumônier de la garde nationale, secrétaire et greffier de la municipalité ». Le 28 octobre 1792 il fut élu officier public par 70 suffrages, et arriva en 1794 à oublier tous ses devoirs de prêtre. Il finit misérablement, peu de temps après, frappé d’une maladie mystérieuse, disent les anciens.

Pendant les premiers jours de la Révolution, un prêtre fidèle que je crois originaire de cette paroisse, Jean-Baptiste Mazéraud, s’y retira après avoir été chassé, pour refus de serment, de Saint-Priest-le-Betoux, sa paroisse. Il rendit de grands services aux habitants, mais il ne put pas y rester longtemps, et fut obligé d’émigrer à Chambéry. Il revint dès que la persécution cessa, et y fut maintenu pour curé à l’époque du Concordat. Il y est mort en 1807. Un décret impérial du 28 août 1808 érigea en succursale cette paroisse et un très grand nombre d’autres.

Après M. Mazeraud, la paroisse de Thouron fut desservie alternativement par le curé de Nantiat ; de Saint-Jouvent ; ou deCompreignac. ce ne fut qu’en 1846 qu’elle eut pour curé M. Paul Baleynaud ; et ensuite :

MM. Jean-Baptiste Chassaing, 1847-1849.

Faure, 1849-1852.

Mathieu Gaston, 1852-1854.

Adrien Chambon, 1854-1861.

Christophe Cohade, 1861-1872.

Cyprien Verger, 1872-1880.

Jean-Hippolyte Dequioudeneix, 1880.

Thouron, le château et les familles qui l’ont possédé

Il serait difficile de dire aujourd’hui ce qu’était l’ancien château de Thouron. Le peu de mots qu’on trouve dans les auteurs anciens le montrent comme une place forte importante. Il était situé près et au sud-ouest de l’église, en partie sur le monticule qui domine la prairie en partie sur l’emplacement du château actuel. Construit au XIIème siècle, il devait comme nos autres châteaux limousins de cette époque, former un quadrilatère avec de fortes tours carrées à ses angles. Il n’en reste pas la moindre trace.

La chronique de Saint-Martial, qui en parle en 1438, le nomme Castrum de Touront.

On voit qu’en 1591, M. Boyol de Montcocu et son gendre, M. de Villelume, y tenaient une garnison pour le roi.

En 1634, après le meurtre de Fontréaulx, « la tour du château de Thouron fut ruinée et démolie en partie ; c’était une place forte, ajoute Robert, qui avait servi durant les guerres de la ligue et les autres d’un nid de voleurs et de tanière de brigands ».

En 1658, M. Dupeyrat, trésorier de France en avait réparé une partie, qui était en état de résister à une attaque lorsque la force armée vint de Limoges pour délivrer Melle de Meilhac.

Enfin, dans les dernières années du XVIIIème siècle M. Joseph Dupeyrat le fit démolir pour construire à la place celui qui existe aujourd’hui. Le gros œuvre en était à peine terminé lorsque la Révolution vint tout arrêter, et l’intérieur n’a été fait qu’en 1810 lorsque M. Pascal Eudel en devint acquéreur.

Comme souvenir de l’ancien château il ne reste qu’une fontaine dont je parlerai plus loin. Quant au nouveau, le dessin que nous devons à l’habile crayon de M. le Baron de Verneilh-Puyrazeau, le fera parfaitement connaître. D’autre part, il a été ainsi décrit par le Prince Napoléon-Weyze :

« Le château de Thouron s’offre au regard au milieu de vastes pelouses, entremêlées de bosquets à l’anglaise, dans les belles proportions d’un palais ».

« Quant le soleil tombe sur son granit brun et poli comme du marbre, c’est d’un magnifique effet. Deux vastes perrons vis à vis l’un de l’autre, dont le dernier, un des plus beaux de France, a deux embranchements, conduisent au château, sous la majesté d’un fronton grandiose, portant l’écusson des anciens seigneurs du lieu, effacé par le marteau révolutionnaire ».

« Thouron, oasis suisse dans un pays accidenté, n’a pas d’histoire. Nous avons cependant sagement fait en sauvant de l’oubli ces quelques miettes, car de même que les fleuves se composent de petites rivières et de minces ruisseaux, de même l’histoire générale se compose de mille histoires locales et particulières ».

L’architecte limousin qui a construit le château de Thouron est M. Broussaud, élève de l’architecte Louis, le constructeur du grand théâtre de Bordeaux. Notre contrée possède plusieurs de ses œuvres qui ont toutes une grande ressemblance avec le château de Thouron. C’est à Limoges, l’Evêché et la maison Naurissart, aujourd’hui la Banque de france. Le château de La Cosse, commune de Veyrac, celui de La Vergne, commune de Saint-Priest-Ligoure, et celui de Brignac. On lui doit aussi l’église de Saint-Silvain d’Ahun (1777-1781).

Les premiers seigneurs de Thouron qui nous soient connus appartiennent à la famille de La Celle ; et ce sont probablement eux qui ont bâti le premier château. Mais il ne faut pas les rattacher, comme on la fait à la famille qui tire son nom de La Celle, canton de Dun, famille qui dès le XIème siècle, possédait dans cette dernière paroisse le château de Bouëri. Le berceau des La Celle de Thouron est entre Eymoutiers et Treignac. Les armes établissent parfaitement cette distinction. Pendant que les seigneurs de La Celle-Dunoise portent d’argent à l’aigle éployée de sable, membrée d’or, les La Celle de Thouron portent d’or semé de fleurs de lis et de tours.

Pierre de La Celle-Bonnefon (nom de deux paroisses des environs de Treignac), écuyer, était seigneur de Thouron en 1223. A cette date il donna plusieurs rentes à Grandmont, ce qui le fit inscrire au nombre des bienfaiteurs de cette célèbre abbaye.

Joubert de La Celle, écuyer fut seigneur de Thouron, et succéda à Pierre. E, 1260, il donna aussi à l’abbaye de Grandmont tous les droits qu’il avait sur l’étang de Thouron, appelé aussi de Tricherie.

Je ne puis préciser jusqu’à quelle année les de La Celle possédèrent Thouron. Je ne connais que deux autres membres de cette famille : Hughes de La Celle qui paraît dans une charte de 1116, par laquelle Bernard, vicomte de Comborn, donne un mas de terre paroisse de Tarnac (Corrèze) à l’abbaye d’Uzerche, et Robert de La Celle, chevalier qui en 1314 assistait au mariage d’Elbe de Ventadour, avec Marthe de Comborn, fille de Richard de Comborn, seigneur de Treignac à Pierre Rodier, évêque de Carcassonne.

La terre de Thouron passa de la famille de La Celle dans celle des Faulcon, qui la possédèrent environ deux siècles. Ce changement se fit probablement par suite d’une alliance avec l’héritière de cette première maison, car nous voyons les Faulcon dont les armes sont d’azur à la croix d’or alias d’or à la croix d’azur, les écarteler d’azur à trois fleurs de lis d’or 2 et 1, mêlées de trois tours d’argent 1 et 2, qui sont de La Celle. Les Faulcon étaient une famille fort considérable. Dans notre province ils étaient seigneurs de Laron, de Thouron, de Puyménier, barons de Saint-Pardoux, seigneurs de l’Age, de Chamborand, en partie des Lèzes, de Boisse, de Lermont, du Garreau, de Jourhnac, des Couperies, de Linards, etc, etc…

Louis Faulcon, chevalier, était seigneur de Thouron et de Saint-Pardoux antérieurement à 1450. Il fut enterré dans l’église de Thouron, devant l’autel de Saint-Martial ; ses descendants ont formé les branches de Saint-Pardoux, des Lèzes, de Lermont et de B oisse, de Thouron et du Garreau.

Son fils aîné, Jean faulcon, seigneur des mêmes lieux et de Laron, est qualifié noble et puissant seigneur dans un acte du 22 octobre 1461. C’est une transaction passée entre l’abbaye de Saint-Martin-de-Limoges, en vertu de laquelle, il assigne à cette abbaye huit setiers de seigle à prendre sur la dîme de Saint-Symphorien, à la charge de célébrer chaque année un anniversaire solennel avec vigile et absoute pour le repos des âmes de ses parents (Arch. hospit. de Limoges. B. 469). Jean Faulcon qui figure à la Montre des nobles de la Marche en 1470, testa en 1475. Je donne plus loin le texte de son testament. Il avait épousé Marie de Rochechouart, fille de Simon de Rochechouart, chevalier, seigneur d’Ancourt-Morogues, dont les armes sont : ondé d’argent et de gueules de pièces en fasce. Il eut pour fils : 1° Albert qui suit ; 2° Antoin, qui a fait la branche des Lèzes.

Albert Faulcon, seigneur de Thouron et du Puyménier, épousa Charlotte de Linards, dont il eut : 1° Florence Faulcon, qui épousa par contrat du 4 août 1508, Jean Jovion, fils de Mathieu Jovion, seigneur de l’Echoisier, paroisse de Bonnac, qui porte d’azur à trois coqs d’argent, pattés, becqués, et greffés d’or, 2 et 1 ; 2° Foucaud Faulcon, qui suit ; 3° Valérie Faulcon, qui épousa par contrat du 20 février 1530, Christophe de Roffignac, écuyer, seigneur de Sannat, fils de Guy de Roffignac et e Françoise Chauvet. De Roffignac porte : d’or au lion rampant de gueules armé et lampassé de même, alias d’azur au lion rampant d’or. Valérie Faulcon, qui avait porté à son mari le fief de Puyménier, testa en 1585.

Foucaud Faulcon, chevalier de l’ordre du roi, était seigneur de Thouron le 1er juillet 1556. On le trouve parmi les nobles de la sénéchaussée du Haut-Limousin au ban et arrière ban de 1568. Lorsqu’il entra en possession de la terre de Thouron, elle se composait d’un nombre considérable de villages, mais il en vendit la plupart. Ainsi en 1566 il vendit, sous faculté de rachat, moyennant 4 000 livres à Jean Beaubreuil une douzaine de villages dénommés au contrat, au nombre desquels était le village et tiercerie de Touradis. Cependant en 1575, il paya Jean Beaubreuil et repris son bien.

En 1567, il vendit à Léonard Barny, seigneur du Mazet à Compreignac, plusieurs autres villages et fonds nobles.

En 1574, il cédait le moulin noble appelé Château-Moulin, avec quantité d’autres fonds et droits considérables, à François Fontréaulx, pour la somme de 4 000 livres.

En 1576, il vendait pour la somme de 400 livres à Etienne Yvernaud, marchand, et à Pierre Massoulard, procureur au présidial de Limoges, la sixième partie des dîmes de la paroisse de Saint-Symphorien (Arch. hospit. de Limoges, B 469).

Enfin, après cette dernière date, il ne lui restait plus de la belle terre de Thouron, que le château et le bourg. Lorsqu’il mourut, vers 1596, ses deux héritiers se partagèrent le peu qu’il laissait et encore furent-ils bientôt obligés de le vendre. On trouve le 4 février 1620, Hélène Faulcon, encore dite dame de Thouron en partie, inscrite au rôle des nobles de la Basse-Marche. Nous verrons plus loin l’acquisition de la terre de Thouron par Pierre de Fontréaulx en 1620.

Pendant que les Faulcon possédaient Thouron, deux évènements se rattachant à l’histoire de ce château méritent d’être signalés. Le premier est le passage de Charles VII, en l’année 1438 ; l’autre la mort de Pierre de Boyol et de son gendre, appartient à l’année 1591.

Le roi de France Charles VII, dit le Victorieux, après avoir reconquis sur les Anglais presque tout son royaume, voyageait avec une suite nombreuse pour montrer au peuple fidèle son fils le Dauphin, qui fut plus tard Louis XI. Il vint passer à Limoges une dizaine de jours. Un moine de l’abbaye de Saint-Martial nous a laissé le récit détaillé des fêtes et des réjouissances qui eurent lieu à cette occasion. Le roi était au Dorat le 1ermars 1438. Le lendemain lundi, il vint diner au château de Thouron, accompagné des ducs d’Anjou et de Bourbon, des comtes de la Marche et de Vendômes, de l’archevêque de Toulouse, des seigneurs de Dunois et de la Fayette, et autres. Son fils le Dauphin, qui avait diné à Bellac, vint le rejoindre à Couzeix, et ils firent ensemble leur entrée solennelle dans la ville de Limoges. On montre aujourd’hui, sous les beaux arbres du parc, quelques marches en pierre, qu’on croit être celles de la porte principale par laquelle le roi de France et sa suite entrèrent dans le château.

Le second évènement qui se rattache à l’histoire du château de Thouron est assez peu connu jusqu’à présent et demande quelques éclaircissements ; je vais les puiser dans des documents contemporains.

Jean de Villelume, fils de marien-Guillaume de Villelume, seigneur de Barmontet (commune de Verneugheol, Puy-de-Dôme), et de Louise de Green de Saint-Marsault, embrassa la carrière des armes, et fut même reçu chevalier de Malte vers 1572. Il vint ensuite s’établir en Limousin en épousant, le 2 avril 1588, Jeanne de Boyol, fille de Pierre de Boyol, seigneur de Montcocu, commune d’Ambazac, et de Marie Rougier. La famille dans laquelle il entrait avait passé à la religion prétendue réformée, mais lui était et resta toujours catholique.

Or Pierre de Boyol faisait la guerre aux religieux de Grandmont. « Et il avait même fait tuer un religieux du dit Grandmont, honnête homme, frère du sieur Lessard ». En 1591, le sieur de Montcocu et son gendre tenaient garnison pour le roi à Thouron. Ils partirent de là avec leurs hommes pour aller secourir la ville du Dorat assiégée par les Ligueurs. Le sieur Lessard (commune de Roussac), les voyant passer près de chez lui, crut le moment opportun de venger la mort de son frère. Il vint donc les attaquer entre Lessard et la forêt de Rancon. On se battit avec acharnement ; Pierre de Boyol et Jean de Villelume furent tués. Voici ce que la veuve de ce dernier a écrit dans son livre de raison : « Dieu retira à soi Mons. du Bastiment mon mary, le 5° de may 1591, ung dimanche, heures de vespres, allant secourir la ville du Dorat pour le service du roi Henri III, roi de France et de Navarre. Fut tué près la forest de Renquon (Rancon) d’une embuscade des ennemis et rebelles du roy par Terzane et Cezar le 5° may 1591 ».

Après le combat les survivants remportèrent à Thouron les corps de ceux qui en étaient parti quelques heures auparavant. Jean de Villelume fut ensuite transporté à Ambazac, et enterré dans l’église paroissiale. En 1789, on y voyait encore sa tombe placée près des fonts baptismaux.

On a répété plusieurs fois que Jean de Villelume et Jeanne de Boyol avaient construit au Bâtiment, commune de Chamborêt, une chapelle catholique et un temple protestant. C’est une erreur. Le premier auteur de cette assertion voulait seulement dire qu’ils pratiquaient leur religion séparément et chacun selon sa croyance. De plus, le livre de raison de Jeanne Boyol prouve qu’ils n’ont jamais habité le Bâtiment. Ayant fait observer cela à l’éditeur de ce livre de raison, il a ensuite placé à Thouron les deux chapelles en question. Mais Pierre de Boyol et son gendre qui « tenaient garnison pour le roi à Thouron » n’y ont jamais construit aucune chapelle.

Le Nobiliaire du Limousin, en suivant la généalogie publiée par M. Amboise Tardieu, s’est aussi trompé sur le nombre de leurs enfants. Jean de Villelume, marié le 2 avril 1588, n’a eu que trois enfants : Pierre, né le 24 avril 1589 ; Marie, née le 16 juin 1590 ; et Jeanne, née après la mort de son père, le 20 novembre 1591.

Hélène Faulcon, épousa N… du Breuil ; ils furent les héritiers de Foucaud Faulcon son père. Ce sont eux qui firent ériger au milieu de la cour du château, en 1598, l’élégante fontaine que donne notre dessein. Elle existe encore, et c’est le seul souvenir qui reste de l’ancien château. Elle est formée d’une belle coupe en granit très finement sculptée, que porte une colonne carrée ornée de moulures ; le tout placé au milieu d’un bassin circulaire. Sur le devant de la coupe se trouve un écusson coupé en deux, qui porte au bas la date 1596, et au haut des armoiries malheureusement détruites. C’est pour établir un déversoir, qu’un ouvrier sans goût a pratiqué un trou au milieu de cet écusson. On y distingue cependant encore à dextre, le côté et les créneaux d’une tour, ce qui porte à croire qu’il y avait les trois tours des armes de la famille Faulcon, à moins qu’on veuille y voir celle de l’époux d’Hélène Faulcon.

Pour conduire l’eau à cette fontaine, le propriétaire fit creuser et voûter dans toute sa longueur un fort bel aqueduc, qui existe encore aujourd’hui ; il devait en même temps servir de sortie secrète pour l’ancien château. Il passe sous le château actuel, et s’étend à 200 mètres du côté du levant.

Nous avons vu précédemment ce qu’était devenu la terre de Thouron après la mort de Foucaud Faulcon. Dubreuil, posséda la château jusqu’en 1620. A cette époque, il fut encore mis en vente. Pierre de Fontréaulx, écuyer, seigneur de Beaumont, lieutenant criminel au siège royal du Dorat, s’en rendit adjudicataire. Des difficultés s’élevèrent pour le paiement qu’il voulait faire au moyen de créances et il ne fut mis en possession qu’au mois de septembre 1632, par le prince de Condé, accompagné des sieurs François-Théodore de Nesmond, qui fut dans la suite président à mortier du Parlement de Paris, et René Le Voyer d’Argenson, intendant de justice, police et finances en Limousin, Haute et Basse Marche, lorsqu’ils passèrent au Dorat, en allant à Limoges. L’ancien seigneur de Thouron, gentilhomme du Périgord, chassé de son manoir par le prince, s’était retiré dans le Bas-Limousin, où il intéressa à sa cause une grande partie de la noblesse. De là, il épiait l’occasion de reprendre son château par la force. Pierre de Fontréaulx ne la lui fit pas longtemps attendre.

Vers le carnaval de 1633, le lieutenant criminel eut la malheureuse pensée d’aller à Thouron faire pêcher quelques étangs, sans tenir compte des avertissements qui lui étaient donnés par ses amis, auxquels il répondait qu’il était Pierre sans Peur ; et, pour prouver son courage, il eut l’imprudence aussitôt arrivé, de faire ôter quelques grilles de fer, et toutes les défenses du logis.

Du Breuil, averti de ce qui se passait, arrive, pendant la nuit, avec force Périgourdins, et pénètre dans la maison avec cent ou cent-vingt hommes armés. Il entre, le pistolet à la main, dans la chambre où reposait Fontréaulx en s’écriant avec colère : « Où est celui qui se dit seigneur de Thouron ? »_ « C’est moi », répond courageusement Fontréaulx ; mais Du Breuil n’était plus maître de lui-même le vise à bout portant et l’atteint au bras gauche en criant :  » Tu en mourras ! ». Fontréaulx blessé saisis néanmoins un pistolet et le vise en répliquant : « C’est toi qui en mourras ! ». Il avait dit vrai, car Du Breuil, frappé droit au coeur, tombait raide mort. Les fils de Du Breuil, à la vue du cadavre ensanglanté de leur père, tirent des coups de fusil sur Fontréaulx, et le frappent mortellement dans le ventre. Il languit quelques heures, étendu à terre et priant Dieu ; puis ils l’achevèrent.

Le cadavre du lieutenant-criminel, dépouillé de ses vêtements fut transporté sur la place devant le château, où il resta exposé à toutes les injures jusqu’au moment où les habitants du Dorat vinrent le chercher. Les dix ou douze soldats qui étaient avec Fontréaulx furent dépouillés de leurs vêtements, blessés, volés et outragés de toutes les manières.

Un si grand crime ne pouvait pas rester impuni ; la justice s’en occupa immédiatement, mais il ne fut pas possible d’arrêter les coupables ; ils furent cependant jugés et condamnés à mort par contumace.

L’année suivante, la Cour des Grands-Jours se tint à Poitiers et dura depuis le 1er septembre 1634 jusqu’à la fête des Rois 1635. Par arrêt de la dite Cour, tous les lieutenants-généraux, lieutenants-criminels et les procureurs du roi de chaque bailliage et sénéchaussée devaient comparaître en personne pour rendre raison de leurs fonctions et charges. Pierre Robert, lieutenant-général de la sénéchaussée devaient du Dorat, apprit à la Cour des Grands-Jours que plusieurs des assassins de Pierre Fontréaulx, qui n’avaient pas subi la peine à laquelle ils avaient été condamnés par contumace s’étaient retirés et fortifiés dans le château de Thouron. Par arrêt de la dite Cour des Grands-Jours du 20 novembre 1634 Paul de Noslet, seigneur de l’Espault et du Mas-du-Bost, sénéchal de la Basse Marche, fut commis avec de La Lande, vice-sénéchal d’Angers et prévôt des dits Grands-Jours, pour arrêter les coupables. Ils arrivèrent à Thouron avec une force armée suffisante, investirent rapidement le château et s’emparèrent de tous ceux qui y étaient. Ils furent emmenés prisonniers à Poitiers, où peu de jours après ils furent pendus en exécution de la condamnation portée contre eux, « La tour du château de Thouron, ajoute Pierre Robert, qui nous a conservé tous ces détails, fut alors ruinée et démolie en partie ; c’était une place forte qui avait servi durant les guerres de la ligue et les autres d’un nid de voleurs et tanière de brigands ».

La famille Dupeyrat connue à Limoges dès 1108, et dont un des membres, Etienne Dupeyrat est qualifié chevalier de Saint-Martial avant 1114, va ensuite posséder Thouron pendant deux siècles, ses armes sont : d’azur à la tour d’argent ouvrée, maçonnée et épurée de sable. On trouve aussi la variante : d’azur, au château donjonné de trois tours d’or, maçonnées de sable. C’est en sa faveur que la terre de Thouron fut érigée en baronnie.

Voici la généalogie de la branche qui a possédé Thouron ; elle est presque entièrement prise dans les registres paroissiaux qui remontent à 1658.

Jacques Dupeyrat, baron de Thouron, acquéreur de la terre de Thouron eut pour enfant : 1° Joseph qui suit ; 2° Marie qui épousa François Igonin, seigneur de Ribagnac, dont les armes sont d’azur à la montagne d’argent, à deux lions affrontés rampant sur cette montagne, au chef d’argent chargé d’une croix ancrée d’or.

Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, doyen des trésorier de France au bureau de Limoges, mourut à l’âge de quatre-vinght-dix-sept ans le 20 juin 1731. Il avait épousé Marguerite Des Maisons, dont les armes sont d’argent à un chesne de sinople accosté de deux maisons de gueules, surmonté de deux étoiles de sinople en chef. Leurs enfants furent : 1° Catherine, née le 15 et baptisée le 17 avril 1667, qui épousa Jean de Poncharraud, écuyer, seigneur du Fan, de la ville de Bellac, fils d’autre Jean de Pontcharraud et de Suzanne de Roffignac ; 2° Léonard, qui épousa , le 29 janvier 1726, Marie de Pontcharraud, fille de Jean et de Suzanne de Roffignac, veuve de Gaspard Chauvet, seigneur de Nantiat et de Fredaigues ; 3° Joseph qui suit ; 4° Jacques né le 12 juillet 1685, tonsuré en 1705 ; 5° Thérèse qui se fit religieuse à Saint-Claire, à Limoges, en 1703.

Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, né le 20 février 1684, épousa Françoise Vidaud du Dognon, qui mourut en 1754 et dont les armes sontd’azur au lion léopardé d’or, au chef de France, soutenu d’or. Leurs enfants furent : 1° Louis qui suit ; 2° Jean-Joseph, tonsuré en 1733, était sous-diacre le 2 juillet 1737 lorsqu’il fut nommé à l’abbaye du Palais, près de Bourganeuf, il reçut ses bulles le 31 décembre suivant, prit possession le 4 mars 1738, et mourut en 1741 ; 3° Louise née le 6 et baptisée le 7 juillet 1710 ; 4° Le Père de Thouron, carme déchaussé, vivant en 1751.

Louis Dupeyrat, baron de Thouron, né en 1720, mourut à vingt neuf ans en 1749. Il avait épousé, le 5 novembre 1741, Henriette-Charlotte-Françoise de La Saigne de Saint-George, fille de léonard de la Saigne de Saint-George et de Marie-Anne de Bonneval. Ses armes sont écartelé aux 1er et 4ème de sable au lion grimpant d’argent et lampassé de gueules (qui est de La Saigne), au 2ème et 3ème d’argent à la croix de gueules (qui est de Saint-George). Leurs enfants furent : 1° Joseph, qui suit ; 2° Françoise, qui épousa Grégoire de Roulhac, chevalier, procureur du roi aux finances, à Limoges dont les armes sont d’azur à la fasce d’or accompagnée en chef d’un croissant d’argent et en pointe de trois étoiles de même, 2 et 1 ; 3° Jean-Baptiste-François, qui épousa Madeleine Salot ; 4° Marie qui épousa, en 1764, Jean-Charles Baudoulat de Puymège, écuyer, sieuir de La Salvanie de la ville de Tulle, qui porte pour armes d’argent, à la rose tigée de sinople hissant d’un croissant de gueules, surmontés de trois étoiles d’azur en chef.

Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, ancien officier de royal-dragon, était à l’Assemblée générale de la noblesse de la Basse-Marche, tenue au Dorat, capitale de la province, le 26 mars 1789, il avait épousé, à Compreignac, le 10 mai 1768, Elisabeth de Couteillas de La Ribière, fille de François de Couteillas de La Ribière, avocat au Parlement de Paris, et d’Anne Dérabier. Leurs enfants furent : 1° Jean-Baptiste-François, né le 8 mai 1771, et enterré dans l’église de Thouron le 8 décembtre 1772 ; 2°Grégoire qui suit ; 3° Marie, née le 1er août 1775 ; 4° Françoise, née le 27 septembre 1776, qui épousa Joseph Roulhac de Mazandrieux ; 5° Anne-Françoise, née le 20 décembre 1777, qui épousa Jean-Baptiste Dupuy-Lavaud ; 6° Marie Angélique, née le 25 mai 1779 ; 7° Marie-Elisabeth, née le 30 juillet 1780, a épousé, le 29 octobre 1806, Geoffroy des Flottes, ancien capitaine de cavalerie, fils de Jean-Baptiste et d’Angélique-Françoise Jarrit Delille. Les armes de cette famille nous sont données par un sceau de Léonard des Flottes, bourgeois de Limoges en 1680, portant un écu chargé de cinq arbres dont trois grands et deux petits ; 8° Marie-Antoine-Grégoire, né le 5 septembre 1783 ; 10° Gabrielle-Grégoire Thérèse-Françoise, née le 25 février 1785 ; 11° Françoise née le 2 mai 1786.

Grégoire Dupeyrat, baron de Thouron, né le 30 avril 1772, a possédé la terre de Thouron en vertu d’une donation qui lui en fut faite par son père et sa mère par acte du 2 juin 1806. Il l’ a ensuite vendue à Pascal Eudel, directeur des douanes à Hambourg, par acte du 26 juin 1810.

Jacques Dupeyrat fu propriétaire de la terre de Thouron à la suite des héritiers de Foucaud Faulcon. Nous avons vu Pierre Fontréaulx en devenir adjudicataire par le décret de 1620, les difficultés qui suivirent ce décret, et sa mort. En 1637, il plut au roi d’accorder à Jacques Dupeyrat le droit de prélation, qui le subrogea au décret de 1620 à la place de Fontréaulx. Alors il paya cette acquisition en argent, ce qui n’avait pu faire ce dernier. Puis il racheta les différentes parties qui avaient été vendues précédemment et reconstitua la terre de Thouron qui, en sa faveur fut érigée en baronnie.

Dès qu’il fut en possession de Thouron, Jacques Dupeyrat s’occupa de faire réparer le château qu’il allait habiter, en négligeant toutefois le donjon ou tour principale, qui avait été démantelée par ordre de la cour des Grands-Jours. Il avait aussi formé le projet de construire l’église paroissiale en un autre endroit afin de dégager son château sur ce côté. Les propositions qu’il fit dans ce but à l’autorité diocésaine, ne purent aboutir, car cette dernière exigeait qu’une croix fut élevée sur l’emplacement de l’église, et que les paroissiens conservassent le droit d’y aller en procession, comme aux autres croix de la paroisse.

En 1658, le château de Thouron fut le théâtre d’évènements qui causèrent une grande émotion dans tout le pays. En voici le récit abrégé ( Pierre Laforest, Limoges au XVIIème siècle, 2ème édit., p528).

Anne-Marie de Maleden de Meilhac était pensionnaire au couvent de Sainte-Claire à Limoges, lorqu’il y vint une demoiselle de la ville, Marie Dupeyrat, qui disait vouloir s’y faire religieuse. Nous allons voir que son but était tout autre.

Le 2 février 1658, jour de la Purification de la Sainte-Vierge, pendant que les religieuses récitaient l’office, Anne-Marie de Maleden fut attirée par sa nouvelle compagne dans le jardin et conduite près du grand portail. La prétendue postulante ayant demandé avec une apparente ingénuité si la traverse en bois qui fermait la porte se pouvait enlever, Anne-Marie répond affirmativement, et, voulant indiquer comment cela se pratiquait, elle avança d’un pas. Mais à ce moment, elle se sent arrêtée par sa compagne : la porte s’ouvre, et deux hommes, d’un bras vigoureux, la saisissent et la jettent en un carrosse à quatre chevaux qui s’éloigne avec rapidité. « On me fermait la bouche avec les mains, dit-elle, afin d’étouffer mes cris. Je disais : « Sainte Vierge !  » Je pleurais, je protestais ! ».

Une femme du peuple ayant vu le carrosse et entendu les cris, l’éveil fut donné. demi-heure après, le carrosse revenait à vide. C’était une voiture à quatre chevaux, celle de Mathieu de Malden, grand-père de la victime : cette circonstance inexplicable ajoutait une perplexité de plus aux perplexités de l’opinion.

Pierre Mouchet dit Champagne, cocher de Mathieu de Malden fut immédiatement appelé devant la justice. Joseph Descoutures, conseiller au présidial, dirigeait l’instruction. Voici ce que révèle la déposition de ce témoin : le témoin avant jour, Pierre Mouchet pansait ses chevaux près le cimetière des Arènes. Le valet de chambre de Joseph dupeyrat, baron de Thouron, l’est venu trouver et lui a dit d’atteler. M. de Malden, a-t-il ajouté, avait prêté le carrosse à son maître pour faire visite à un gentilhomme logé près Saint-Maurice. Avant d’atteler, le cocher est allé prendre les ordres de son maître ; puis, revenant, il a conduit en voiture le jeune baron de Thouron et son laquais au lieu indiqué. Là, le gentilhomme, après avoir fait ranger les chevaux contre la muraille est entre le logis Saint-laurent. Il en est sorti au bout d’un quart d’heure, et montant en voiture, a eu soin de tirer les rideaux sur lui. Tout à coup, la porte du couvent s’est ouverte, une jeune femme vêtue de jaune s’est précipitée dans le carrosse : le cocher a reconnu celle-là : c’était Marie Dupeyrat de Thouron. Au même moment une autre jeune demoiselle à lui inconnue, vêtue de gris, a été jetée dans la voiture par deux cavaliers, dont l’un portant des plumets à son chapeau. Celle-ci poussait des cris et disait : « Marie, ne me quittez pas ? ». Ces deux jeunes filles étant ainsi dans le carrosse, le cocher, sur l’ordre du jeune baron poussa ces chevaux du côté du Crucifix d’Aigueperse jusqu’à la maison de la Graule, et là seulement il s’aperçoit que le carrosse est escorté d’une troupe de vingt-cinq ou trente jeunes hommes armés et à cheval. Là aussi, dit le témoin, on a fait descendre la demoiselle inconnue, on l’a assise à cheval, et, sans avoir égard à ses cris, les gentilshommes ont pris tous ensemble la route de la Maison-Rouge.

Déjà, en toute hâte, sur la réquisition de la famille de Malden, le vice-sénéchal rassemblait ses troupes. M. de Champigny, intendant de la généralité, donnait des ordres de son côté, et autorisait la famille à faire sonner le tocsin dans les paroisses voisines du château sur lequel la jeune fille était dirigée.

Anne-Marie de Meilhac arriva au château de Thouron brisée de lassitude. « Le cheval, dit-elle, allait très vite ; je souffrais beaucoup d’une douleur de côté. Il m’était insupportable de me voir ainsi entre plusieurs hommes. Quand nous fûmes arrivés, on me descendit de cheval ; je ne pouvais me soutenir. On m’aida à marcher, et je fus conduite à un appartement où je trouvai du feu ; l’on m’y servit des friandises. Il est facile de juger de l’étonnement que j’éprouvai en me voyant ainsi séparée de tous les miens. On fit venir une femme, mais au bout d’un moment elle disparut. Tous ces messieurs se retirèrent aussi ; il ne resta dans l’appartement qu’un prêtre et le jeune homme qui prétendait obtenir ma main ( Vie d’Anne-Marie de Meilhac, Mère du Calvaire, écrite par elle-même) ».

Instruit des préparatifs qui se faisaient à Limoges, le baron de Thouron pensait que le seul moyen de conjurer l’orage serait de hâter la bénédiction nuptiale. Alors le prêtre, couvert d’une étole et un livre à la main, s’adressant à Anne-Marie de Meilhac qui était assise, lui demanda, en désignant son neveu, si elle acceptait ce jeune homme pour son époux : « Non, Monsieur, répondit avec fermeté la jeune fille ; j’ai résolu d’être religieuse ! »_ « C’est moi qui prononce, reprit vivement le jeune homme, et je dis oui pour tous deux ». Et le prêtre couvrit ce mariage illusoire d’une bénédiction sacrilège.

Anne-Marie de Meilhac n’avait pas tout à fait quatorze ans ; elle n’était donc pas en âge d’être mariée. Elle devait être un jour fort riche ; c’est à sa fortune que le jeune homme en voulait. Une ambition que rien ne justifiait, car le ravisseur possédait des biens considérables, était l’unique mobile de cette entreprise insensée.

L’attentat avait eu lieu vers sept heures du matin. A une heure après-midi, commencèrent à paraître en vue du château les troupes envoyées de Limoges. Il y avait deux cents hommes ; le vice-sénéchal qui les commandait somma le château de se rendre ; mais les assiégés s’étaient barricadés ; du haut des tourelles et de l’embrasure des fenêtres, ils menaçaient de faire feu sur la troupe. Voulant à tout prix prévenir l’effusion du sang, le vice-sénéchal fit reculer ses troupes et demanda à Limoges du renfort. Le lendemain dimanche, sur le soir, six cents hommes cernaient la place. Ces mouvements de troupes coutèrent aux de Malden trois mille livres. Le lundi matin 4 février, toute résistance étant impossible, le baron de Thouron demandait à capituler. Lui et son oncle, en rendant la mineure enlevée, s’engagèrent par écrit à se constituer prisonniers si la jeune fille se plaignait d’aucunes violences.

Le même jour, pendant que ceci se passait au château de Thouron, Simon Descoutures, avocat du roi, lançait à Limoges un mandat d’arrêt contre le gentilhomme et ses complices.

La cour du présidiale de Limoges, dont la plupart des membres appartenaient à l’une ou à l’autre des familles intéressées, ayant dû se déclarer incompétente, les parties furent envoyées devant le tribunal de Brive pour y être jugées prévôtalement. Les prévenus n’avaient évidemment aucun moyen de détruire l’accusation. Déclarés coupables de rapt d’une mineure, crime prévu par l’article 42 de l’ordonnance de Blois, Joseph Dupeyrat, baron de Thouron, son valet de chambre et Pierre Dupeyrat, chanoine théologal de Saint-Martial, furent condamnés à la peine de mort par sentence du 19 juillet 1658. Les prévenus étant contumaces, la sentence fut exécutée en effigie le 23 du même mois. Marie Dupeyrat de Thouron, déclarée coupable du même crime, fut condamnée à avoir les cheveux rasés et à être enfermée en un couvent le reste de sa vie.

Le baron de Thouron et ses complices furent en outre condamnés à cinquante mille livres pour la réparation civile, cinq mille livres d’amende envers la personne offensée et aussi aux dépens, qui étaient considérables.

Pendant près de cinq ans, tous les biens du baron de Thouron restèrent saisis. Enfin, la famille, qui était des plus honorables de Limoges, pour mettre un terme à cet état de choses, eut recours à Mgr de La Fayette, évêque de Limoges, qui fut accepté par les deux partis comme juge arbitre.

Il rendit un jugement arbitral le 10 juillet 1663, aux termes duquel la famille de Malden se désisterait de tous ses droits moyennant la somme de 25 000 livres. L’évêque obtint aussi du roi grâce pour la peine de mort portée contre le baron de Thouron ; lequel fut renvoyé avec les autres coupables au siège de Bellac pour y purger la contumace.

La sentence fut révisée. Le 31 janvier 1664 il  » a été déclaré atteint et convaincu d’avoir inconsidérément, et par une action de jeunesse, tiré la dite demoiselle Anne-Marie de Malden du dit monastère de Sainte-Claire, à l’insu et sans consentement de la supérieure et de ses parents et icelle amenée et retenue en sa maison de Thouron…et pour réparation du fait ordonné que les accords et contrat (sentence de l’évêque de Limoges) tiendront et seront exécutés pour réparation civile..et en outre le dit Joseph Dupeyrat, condamné à 1000 livres envers les religieuses de Sainte-Claire, 50 d’amende envers le roi et 50 d’amende aux pauvres de l’Hôtel-Dieu de Bellac, et aux dépens ».

Ainsi fut terminée cette affaire, qui avait si justement ému les habitants de Limoges et de Thouron. Les sommes versées par le coupable servirent à M. Malden de Savignac, tuteur de Melle de Meilhac, pour les grandes et charitables fondations qu’il fit à Limoges et sa nièce devint la Révérende Mère Marie du Calvaire, fondatrice du petit couvent de Sainte-Claire.

Joseph Dupeyrat et autre Joseph, fils et petit-fils de Jacques, acquéreur de Thouron, eurent un procès en 1715, qui vint en appel en 1725, à propos d’une rente de seigle que leur réclamait le sieur de Gensignac, qui avait succédé à Fontréaulx comme propriétaire de Château-Moulin. C’est dans un mémoire publié à l’occasion de ce procès que j’ai trouvé le récit des péripéties par lesquelles passa la terre de Thouron, depuis Foucaud Faulcon, jusqu’à la date de ce procès.

A la fin du siècle dernier, Joseph Dupeyrat entreprit de rebâtir le château de Thouron. Les travaux, relativement considérables, furent exécutés assez rapidement sou la direction de l’architecte Brousseaud. Mais lorsque la Révolution éclata, on terminait seulement le gros oeuvre, tout l’intérieur était à faire. Il resta dans cet état jusqu’au rétablissement de l’ordre.

En 1806, Joseph Dupeyrat donna Thouron à son fils aîné Grégoire. Ce dernier ne fit exécuter au château que fort peu de travaux et le vendit, en 1810, à M. Pascal Eudel, ancien directeur des douanes, à Hambourg.

Le nouveau possesseur fit achever le château et le mit dans l’état où nous le voyons aujourd’hui ; il fit tracer le parc et l’étendit jusqu’au sommet du coteau, d’où l’on jouit d’une belle vue sur les montagnes de Compreignac. Après avoir habité ce lieu près de vingt ans, il se retira à Limoges, et la terre de Thouron fut encore vendue une autre fois.

C’est en 1830 que la famille du Breuil-Hélion de La Guéronnière fit cette acquisition. Cette famille, dont les armes sont d’argent au lion de sable armé, lampassé et couronné d’or, était fixée en Poitou au moins dès le XVème siècle. Elle vint en Basse-Marche dès 1750, par le mariage d’Antoine-Amable du Breuil-Hélion de La Guéronnière avec Marie-Sylvine Robert de Villemartin, dont les armes sont d’azur, au cygne éployé d’argent becqué et membré de gueules.

Leur fils aîné fut François-Emmanuel-Bernard, qui épousa en 1781 Julie-Elisabeth Irland de Bazoges, dont les armes sont d’argent à une fasce de gueules surmontée de trois étoiles d’azur.

Le fils puîné de ces derniers a formé la branche de Thouron, dont voici la généalogie :

Charles-Antoine du Breuil-Hélion de La Guéronnière, fils de François-Emmanuel-Bernard, né en 1783, épousa en 1809 Marguerite-Hélène de Tessière de Boisbertrand, dont les armes sont losangé d’argent et de gueules. Leurs enfants furent : 1° Pierre-Marie-Alfred, qui suit ; 2° Louis-Etienne Arthur, né au Dorat en 1827, marié en 1851 à Iseult de Carion de Nisas.

Pierre-Marie-Alfred du Breuil-Hélion de La Guéronnière, né au Dorat en 1811 a épousé en 1883 Marie-Aimée, dite Sylvie-Anne de Brettes, dont les armes sont d’argent à trois vaches bretonnes de gueules l’une sur l’autre. Leurs enfants sont : 1° Charles-Pierre-René, né à Limoges en 1834 a épousé en 1852 Théophile-Catherine-Mathilde de Saint-George, dont les armes sontd’argent à la croix de gueules ; 2°Pierre-Gédéon qui suit ; 3° Rose-Marie-Louise-Sara, née en 1837, mariée en 1860 à son cousin Louis6alexandre-Ludovic du Breuil-Hélion de La Guéronnière ; 4° Marguerite-Hélène, née en 1840, a épousé en 1860 son oncle breton Henri de Brettes ; 5° Marie-Elisabeth-Angèle, née en 1843, a épousé en 1861 Georges d’Alexeïeff, maréchal de la noblesse et maître de la cour de S. M. l’empereur de Russie dont les armes sont d’or au monument en forme de colonne surmonté d’une étoile d’azur, au chef parti : au 1er, de gueules à une abeille au naturel, au 2è, d’azur au livre ouvert d’argent ; 6° Marie-Louise-Gérosime-Marthe, née en 1845, mariée en 1865 à Pierre-Henri-Victor Rogues de Fursac, dont les armes sont de gueules à la croix ancrée d’argent chargée de cinq billettes d’azur.

Pierre-Gédéon du Breuil-Hélion de La Guéronnière, né à Thouron en 1844, a épousé en 1862 Ida Mummy. Leurs enfants sont : 1° Hélène, qui a épousé en 1884 Georges-Gustave-Edouard Adet ; 2° Alfred ; 3° Gaston ; 4° Robert ; 5° Louis ; 6° Adèle ; 7° Madeleine ; 8° Henri.

Thouron, le Bourg

Le bourg de Thouron n’a jamais été fort important. Avec l’église et le château, on y trouvait cependant une autre habitation assez considérable qui a conservé le nom de château des Vaucourbeil. Le presbytère et cinq ou six autres maisons était tout ce qu’il comprenait. Aujourd’hui on y compte en tout dix-huit maisons, dix-neuf ménages et quatre-vingt trois habitants. Je ne crois pas qu’il en ait eu jamais davantage.

Le château de Vaucorbeil est formé d’un corps de logis flanqué d’une tour carrée renfermant l’escalier en hélice. D’autres bâtiments, en forme de cloître entouraient une tour carrée. Il semble avoir été bâti au XVIème siècle par la famille dont il porte le nom. Cette famille a pour armes écartelé au 1er et 4è d’azur à la tour d’argent, sur laquelle est posé un oiseau ; au 2è et 3è d’or au lion de gueules.

Deux prêtres du nom de Vaucourbeil ont été curés de Thouron antérieurement à 1600. Jean de Vaucourbeil était syndic de la paroisse en 1602, comme nous l’apprend l’inscription de la cloche. Puis les registres paroissiaux nous donnent quelques détails généalogiques sur les habitants de ce château :

Jean de Vaucourbeil, seigneur de l’Age, notaire, habitant le bourg de Thouron, avait épousé Jacquette Duclou, dont : 1° Marguerite, qui épousa le 6 février 1661 Louis Gomot, fils de Pierre Goumot, sieur du Mas-de-Faye, juge lieutenant-sénéchal de Saint-Amand Jartoudeix ; 2° Gabriel, qui épousa en 1663 Louise de la Biothie, fille d’Etienne et de Léonarde du Gondeau.

Jacques de Vaucourbeil, avocat, habitant le bourg de Thouron en 1661, épousa Louise Charron, et alla ensuite se fixer au lieu noble de Juniat, paroisse de Chamborêt, en 1669. Leurs enfants furent : 1° Marie, née le 15 juillet 1667, qui eut pour parrain Sylvain de Vaucourbeil, notaire ; 2° Jacquette, née le 4 septembre 1668 ; 3° Jean, baptisé à Chamborêt le 26 juillet 1671.

Pierre de Vaucourbeil, sieur de l’Age, habitant le bourg de Thouron, était procureur d’office de la justice et châtellenie de Thouron en 1669, puis conseiller du roi et lieutenant de la maréchaussée de Bellac en 1677. Il mourut le 30 avril 1691. Il avait épousé Marie Guilhem ou Guilhemet, dont : 1° Jacques, qui suit ; 2° Antoine né le 14 juin 1669 ; 3° Françoise, née le 17 avril 1671, qui épousa à Thouron, le 2 juin 1687, Jean Masdot, conseiller du roi au siège présidial de Limoges, fils de Martial Masdot, bourgeois de la ville de Limoges, et de N… de Jayac ; 4° Pierre ; 5°Suzanne, née le 14 mars 1674 ; 6° Jean, né le 14 novembre 1675 ; 7° Marie, ne le 16 septembre 1677.

Jacques de Vaucourbeil, écuyer, sieur du Puybareau, paroisse de Saint-Jouvent, licencié ès-lois, puis conseiller du roi et lieutenant de robe courte en la maréchaussée de la Basse-Marche à Bellac, épousa : 1° Jeanne Roulhac ; 2° Françoise Sandenoy. Du second mariage il eut Marie de Vaucourbeil, qui épousa le 7 janvier 1720, Mathieu Blondeau, seigneur de Compreignac.

Une autre famille qui a habité le bourg de Thouron et y avait quelques importance est la famille Masdot, dont les armes sont d’azur à la fasce d’or chargée d’une flèche de sable dans le même sens, accompagnée en chef d’un croissant d’argent et en pointe d’un lion naissant d’or.

Hélie Masdot, habitant du bourg de Thouron, vendit dans le milieu du XVIIème siècle, à M. Dupeyrat, seigneur de Thouron, le grenier à blé de ce bourg.

Catherine Masdot était marraine de la cloche fondue en 1602.

Martial Masdot, bourgeois de la ville de Limoges, mort avant 1687, avait épousé N…de Jayac, dont : 1° Jean qui suit ; 2° Hélie Masdot, notaire au bourg de Thouron, qui fut enterré dans l’église paroissiale en 1702. A son enterrement assistaient Jean Masdot, son frère et Jean Masdot, son cousin.

Jean Masdot, conseiller du roi au siège présidial de Limoges, épousa à Thouron Françoise de Vaucourbeil, fille de Pierre de Vaucourbeil, conseiller du roi, lieutenant de robe courte.

Jean Masdot, bourgeois, épousa Jeanne Cercleix, dont : 1° Françoise qui épousa à Thouron, le 26 novembre 1726, François Dufaure, sieur de Belisle, fils d’un autre François et de Marie Coustin ; 2° Marie née le 18 septembre 1707.

On trouve aussi à Thouron : Antoine Masdot, écolier, 1693 ; Jules Masdot, notaire, 1677 ; Jean Masdot, praticien, 1692.

Cette famille, dont on signale encore les tombeaux dans le cimetière de Thouron en 1785, semble s’être fixée à Guéret, où nous trouvons en 1767 Louis-Antoine de Madot, écuyer, sieur du Oulier, épousant Marguerite Prunier.

Dans la paroisse de Thouron, outre les fabriciens qui s’occupaient de l’église, il y avait aussi des syndics pour les affaires qui regardaient toute la paroisse. Plusieurs nous sont connus. Aussi, lorsque le 1er juillet 1572 Lazare Amadon, conseiller au Grand-Conseil érigea le siège secondaire à Bellac, les syndics des paroisses dépendant de ce siège furent convoqués pour l’installation. Le procès-verbal indique parmi ceux qui étaient présents « Messire Foucault Daulcon, chevalier du roi, seigneur chastellain en la chastellenie de Thouron ; Simon Gerbaud, de Richefort, et de Jean d’Adam, au Villat, syndics de la paroisse de Thouron ». L’inscription de la cloche nous fait aussi connaître Jehan de Vaucourbeil et Jehan Baritau, qui étaient syndics en 1630.

Jusqu’à la Révolution, la paroisse de Thouron continua à traiter toutes les affaires qui l’intéressaient dans des assemblées de paroisse ; on en trouve la preuve dans la note suivante, extraite des registres paroissiaux :  » le 6 juillet 1783, après la messe de paroisse, il fut convenu par Assemblée de paroisse, convoquée le dimanche d’auparavant, que la paroisse souscrirait ce que de raison pour faire construire dans l’église une tribune, un banc pour les officiers de l’église et la boiserie nécessaire aux fonts baptismaux ».

La justice fut toujours exercée par les seigneurs de Thouron sur toute l’étendue de leurs terres et cette châtellenie dépendait du siège royal de Bellac. Le mémoire de M. de Berrnage, rédigé en 1698, nous dit en effet que du siège de Bellac dépendaient six justices seigneuriales : Darnac, Le Deffens, Touron, Chabannes, Bonnac et Nantiat.

Un état des paroisses de la généralité de Limoges dressé en 1687 nous apprend que Thouron avait alors quatre-vingt-huit feux et que M. le baron de Thouron, trésorier de France à Limoges, en était seigneur. « C’est un lieu situé sur des collines, entouré de grands bois et de montagnes ; il s’y recueille du blé, des chastaignes, il y a des prés et s’y nourrit des bestiaux ».

Une statistique de la même époque constate que cette paroisse :

en 1680 payait 727 ll. d’imposition et possédait 11 boeufs et 44 vaches.

en 1681 payait 754 ll.d’imposition et possédait 9 boeufs et 47 vaches.

en 1682 payait 767 ll. d’imposition et possédait 9 boeufs et 47 vaches.

en 1683 payait 846 ll. d’imposition et possédait 9 boeufs et 45 de vaches.

en 1684 payait 804 ll. d’imposition et possédait 10 boeufs et 63 vaches.

en 1685 payait 780 ll. d’imposition et possédait 10 boeufs et 12 vaches.

en 1686 payait 760 ll. d’imposition et possédait 11 boeufs et 44 vaches.

Thouron eut aussi ses jours de deuil. vers la fin de septembre 1630, un voyageur de nom et d’origine inconnus, descendu à l’hôtel des Trois-Anges, à Limoges, y mourut de la peste qui, cette année-là, ravageait l’Europe entière. Telle fut l’origine de la contagion qui dépeupla cette ville et les environs. S’il faut en croire les Annales, elle emporta « tant dans la ville que dans la Cité, aux faubourgs et la banlieue, 20 000 personnes ». On pratiqua de grandes fosses au cimetière de Saint-Cessateur, où furent jetés en hâte et sans les égards accoutumés, les corps bien souvent privés de cercueil, car les ouvriers, comme les fossoyeurs, ne suffisaient pas au funèbre travail. Dès le 15 octobre, la paroisse de Compreignac était atteinte ; il dût en être de même de celle de Thouron. Pierre Mesnagier, réfugié dans sa métairie de Beaune, a écrit que dans certains villages « il n’est demeuré vivants ni hommes, ni femmes, ni petits enfants ». Enfin, dans toutes les paroisses on fit des vœux, des processions en l’honneur de saint Roch au milieu du cimetière. Cette chapelle, dont j’ai déjà parlé, a été toujours fréquentée, comme lieu de dévotion, tant que le cimetière a existé ! Nous verrons plus loin, en 1787, que les habitants de Thouron eurent recours à saint Roch pendant une nouvelle épidémie.

En 1785, la paroisse fut fort éprouvée. Le curé, dans les notes qu’il a laissées sur les registres, nous dit :  » Cette année, après six mois de froid et de neiges extraordinaires, il a fait des chaleurs et des sécheresses si excessives, que toutes les semences vertes ont séché sur pied. Le foin s’est vendu pris au pré sept livres dix sols le quintal. Les chanvres ont péri entièrement. Il n’y a eu que beaucoup de raisins, assez de blé dans le bon pays et quelques châtaignes. la plupart des particuliers ont été obligés d’abandonner leurs bestiaux. Les foires n’ont rien valu et la viande était pourtant très chère. Après l’Ostension de toutes les reliques, par mandement de MM. les vicaires généraux, toutes les églises de Limoges et la campagne ont exposé le Très-Saint-Sacrement, fait des processions générales pour obtenir de la pluie, et le ciel s’est refusé à nos vœux. Les sources ont presque tari entièrement et il n’y a eu que très peu de fourrages ».

Pendant cette disette de fourrages, il était à craindre que des accapareurs vinssent encore augmenter le mal dont souffraient les campagnes ; aussi prit-on des mesures pour l’empêcher. Le curé de Thouron note que le 15 août 1786 « il a publié, à l’issue de la messe paroissiale, un arrêt du Parlement de Paris, par lequel la Cour fait défense à qui que ce soit de faire aucuns achapts en foin, paille et autres fourrages au-delà de la quantité nécessaire à chacun, sous peine de 100 livres d’amende et ordonne que tous ceux qui auront du fourrage à vendre le fassent taxer par les juges des lieux. Cet arrêt est du 19 juillet 1785 ».

En 1787, le pays eut à souffrir de maladies épidémiques. « Cette année il est passé certains brouillards qui ont occasionné des maladies épidémiques. Les gens meurent après trois ou quatre jours de maladies ; ils sont attaqués par une douleur vive, sous le sein gauche ; l’humeur se porte aussitôt à la poitrine et ils meurent en plaine connaissance ».

« Le 13 février susdite année, j’ai commencé en l’honneur de saint Roch une neuvaine pour les malades de Thouron, qui sont en grand nombre. Les paroissiens s’y rendaient avec affluence. Il paraît que ce concours plaît au ciel ; les malades donnent espérance de soulagement ».

Le même nous fait encore connaître les dégâts que fit un ouragan : « le 11 novembre 1787, qui étoit un dimanche, il fit un ouragan et un vent si impétueux qu’il enleva plusieurs couvertures de maison, arracha une infinité d’arbres et de plantes ».

L’année 1788 fut l’une des plus froide et des plus cruelles qu’on ait vues de longtemps. Le setier de seigle, mesure de Limoges, valut 10 livres, et il n’y en eut pas pour tous ceux qui en voulaient. La gelée pénétra dans la terre de quatorze pouces.

Le 4 mars 1789 eut lieu à Thouron l’assemblée du Tiers-Etat. M. Martin, juge de Thouron, fut président de cette assemblée ; il eut pour greffier M. Ruaud dit Lafontanelle. Les députés choisis pour porter les vahiers furent Jean Delianas l’aîné et Jean Ruaud, laboureur, du village de Commerat.

Par suite du décret du 15 janvier 1790, sur la division du territoire français en quatre-vingt-trois départements, Compreignac ut un chef-lieu de canton dans le district de Bellac ; il comprit les communes de Compreignac, La garde-Saint-Gérald, Saint-Symphorien, Saint-Sylvestre et Thouron. Plus tard, cette division territoriale fut remaniée. On réunit les cantons de Cieux et de Compreignac, et le chef-lieu de ce nouveau canton, dont fait partie la commune de Thouron est fixé à Nantiat.

Lorsque, au moyen d’une commission dite des réguliers, on eut détruit l’ordre de Grandmont, les révolutionnaires n’ayant pas encore commencé à s’emparer du bien de leurs victimes, l’évêque de Limoges, en 1772, obtint une bulle par laquelle les biens de Grandmont situés dans son diocèse furent unis à la manse épiscopale. L’évêché de Limoges, mis en possession de l’abbaye elle-même, fit distribuer à toutes les paroisses du diocèse l’incomparable trésor qu’elle possédait. Thouron reçut alors une des sept grandes châsses toutes resplendissantes des feux des pierreries et de l’éclat des émaux, qui décoraient précédemment l’autel majeur de la basilique. Elle fut transportée solennellement dans cette paroisse le 11 septembre 1790, comme en fait foi le procès-verbal publié aux documents. Mais peu de temps après elle dut avoir le même sort que les autres châsses données à Razès et à Saint-Sylvestre. Les registres de ces paroisses nous apprennent qu’elles furent livrées sur la réquisition de l’agent national cherchant du cuivre pour faire une chaudière.

La période révolutionnaire n’a laissé dans cette commune aucun souvenir particulier qui ne soit déjà signalé.

La statistique de 1808 nous dit que la commune de Thouron avait alors 89 feux et 16 hameaux ; sa population était de 477 habitants comprenant 135 garçons, 125 filles, 81 hommes mariés, 80 femmes mariées ; 15 veufs, 24 veuves et 17 militaires.

Le nouveau presbytère a été bâti vers 1858, et les écoles et la mairie en 1890.

Thouron, les villages

Château-Moulin : 1 maison, 1 ménage, 10 habitants. Le moulin et l’étang formaient un fief de la terre de Thouron qui fut vendu en 1574, par Foucault Faulcon, seigneur de Thouron, la somme de 4000 livres, au sieur François Fontréaulx. En 1715, le sieur de Gensignac le possédait en héritage. L’étang qui existe toujours couvre une superficie de 15 hectares 19 ares.

Chez-Frapet : 1 maison, 1 ménage, 10 habitants.

Le Cluseau : 3 maisons, 3 ménages, 9 habitants.

La Combe : 13 maisons, 13 ménages, 58 habitants.

Combechoux : 1 maison, 1 ménage, 2 habitants.

Commérat alias Foulangeas. Voir ce dernier nom.

Croix-Forge : 1 maison, 1 ménage, 9 habitants. ce village n’est pas indiqué sur la carte de l’Etat-Major.

Foulangeas : 1 maison, 1 ménage, 2 habitants.

Gourgeau-de-Loup : 2 maisons, 2 ménages, 9 habitants. Ce village est placé sur le Vincou, dans un endroit fort pittoresque.

La Madeleine : 1 maison, 1 ménage, 7 habitants. Ce lieu situé vers l’extrémité méridionale de la forêt de Thouron, a fait partie de la terre de Thouron depuis les temps le plus reculés, et en a suivi toutes les péripéties. Avant 1475, il était possédé par Jehan Faulcon. En 1663, Pierre Dupeyrat était seigneur de La Madeleine, il épousa Isabeau Duléry, dont : 1° Jean Dupeyrat, baptisé le 27 juin 1696 ; 2° Antoine Dupeyrat enterré dans l’église de Thouron, devant l’autel de Sainte Madeleine le 14 mai 1699. Le domaine de La Madeleine et la petite forêt du même nom, ont été acquis par M. Athanase Moreny, par contrat du 21 mai 1891. Une chapelle rurale, dédiée à Sainte Madeleine existait en ce lieu. Jehan Faulcon en parle dans son testament de 1475. Elle a été interdite en 1741, et est tombée en ruine peu après.

Le Mas : 4 maisons, 4 ménages, 25 habitants. Ce lieu est placé dans une agréable situation, sur une hauteur en face du château de Thouron. il faisait partie de la terre de Thouron, comme on le voit dans le testament de 1475 reproduit aux documents. Lorsque la famille Dupeyrat fit l’acquisition de Thouron, une de ses branches s’établit au Mas ; elle le possède toujours ; en voici la généalogie d’après les registres paroissiaux :

Pierre Dupeyrat, épousa le 25 septembre 1720, Thérèse de Marsanges, fille de Paul de Marsanges de Vaulry et de Anne de Brettes. La famille de Marsanges porte : d’argent à trois merlettes de sable, 2 et 1. De ce mariage naquirent : 1° Pierre Dupeyrat, écuyer, sieur du Mas, qui épousa par contrat du 2 juillet 1749, Marguerite de Bigorie. Elle était veuve en 1751 et habitait Limoges. Ses armes sont de gueules au chevron de …chargé d’un poisson accompagné de 3 coquilles 2 et 1 ; 2° Jean-François qui suit.

Jean-François Dupeyrat, chevalier, seigneur du Mas, capitaine au régiment de Saint-Chamon, mourut le 8 septembre 1767 à l’âge de quarante-trois ans. Il avait épousé Madeleine Laurens d’Arfeuille dont les armes sont d’argent au chevron de gueules accompagné en chef de deux étoiles d’azur et en pointe d’un croissant du même. Leurs enfants furent : 1° François né le 28 mai 1753 ; 2° Joseph-François, qui suit ; 3° Françoise-Madeleine, née le 21 juillet 1756 ; 4° autre Joseph-François, né le 26 octobre 1758 ; 5° Jean, né le 1er septembre 1760 ; 6° Henriette-Marie, née le 29 août 1761, morte le 19 février 1762 ; 7° Joseph, né le 14 novembre 1762, sieur de Royéras, était commandant de la milice de la paroisse en 1790.

François-Joseph Dupeyrat, chevalier, seigneur du Mas, né le 7 décembre 1754, épousa Léonarde Barny de Romanet, dont : 1° Madeleine-Thérèse, née le 6 août et morte le 5 septembre 1782 ; 2° Marie-Madeleine-Constance-Léonarde, née le 25 novembre 1783, morte à l’âge de quinze ans ; 3° François-Joseph-Hélie-Mathieu, né le 21 décembre 1784 ; 4° François-Joseph-Léonard, qui suit ; 5° Pierre-Prosper, né le 31 octobre 1788, mort capitaine de génie au régiment de Ratisbonne ; 6° Joseph-Magloire, né le 8 juillet 1790.

François-Joseph-Léonard Dupeyrat, né le 6 juillet 1786, mort le 3 août 1865, avait épousé, par contrat du 17 octobre 1820, Marie-Joséphine Chandeon de La Valette, fille de George-Edme-Balthazard Chandeon de La Valette et de Claire-Emmanuelle-Caroline Corvizard de Montmarin, morte le 5 octobre 1837. Ses armes sont d’azur au chevron accompagné en chef de deux étoiles, et en pointe d’une gerbe d’or. Leurs enfants furent : 1° Edmont-Raoul-George, qui suit ; 2° Louis-Constatntin-Emeric ; 3° Marie-Thérèse-Georgine.

Edmond-Raoul-George Dupeyrat, mort en 1869 avait épousé sa cousine-germaine, Adelaïde Dupeyrat, fille de Joseph-Magloire dont : 1° Henriette, morte le 19 janvier 1860 ; 2° Marthe-Joséphine, né le 13 juin 1864, a épousé, le 9 août, le 14 juin 1892, Lucile Juge de Saint-Martin. Cette dernière famille porte pal, qui supporte le fléau d’une balance à deux bassins d’argent.

Dans les dépendances du village du Mas on trouve un très beau châtaignier dont le tronc a sept mètres de circonférence.

Maison-Neuve : 1 maison, 1 ménage, 10 habitants. Un souterrain-refuge de l’époque gauloise a été découvert en 1890 près de ce village. Il est dans une terre labourée, à 30 mètres de la route. L’éboulement, à la suite duquel j’ai pu y pénétrer, s’est produit à un de ses carrefours. De là, une galerie s’étend à 10 mètres environ du côté de l’orient ; mais à cet endroit elle est formée par des terres provenant d’un autre éboulement qui date de quelques années.

Les Placieux : 18 maisons, 18 ménages, 72 habitants.

Le Pont : 1 maison, 1 ménage, 12 habitants. Quelques membres de la famille Dupeyrat prenaient le nom de Dupeyrat du Pont, lieu qu’ils possédaient, et qui est encore un domaine de la terre de Thouron. Dans les anciens titres ce lieu est appelé Pont-Vieux, pour le distinguer de Pont-Neuf qui existait près de Maison-Neuve.

Richefort : 14 maisons, 14 ménages, 65 habitants. C’est à tort que le nom de ce village a été écrit Rochefort sur la carte de l’Etat-Major.

Royéras : le lieu de Royéras , dont Joseph Dupeyrat était seigneur à la fin du XVIIIème siècle, n’a conservé aucun bâtiment, son étang seul existe toujours à quelques centaines de mètres du bourg.

Saint-Moras : 20 maisons, 20 ménages, 86 habitants. Martial de saint-Moras, qui vivait en 1475 est désigné par Jehan Faulcon, seigneur de Thouron, pour desservir la vicairie qu’il fonda par son testament.

Thouradis : 13 maisons, 13 ménages, 54 habitants. Foucauld Faulcon, seigneur de Thouron, en 1566 vendit Thouradis mais le racheta ensuite.

Tricherie : 2 maisons, 2 ménages, 13 habitants. L’étang de Tricherie, appelé étang de Thouron a une étendue de 28 hectares 72 ares. En 1260 Jaubert de La Celle, successeur de Pierre de La Celle, seigneur de Thouron, donna à l’abbaye de Grandmont tout son droit sur l’étang de Thouron, autrement dit de Tricherie. A la fin du siècle dernier, lorsque le gouvernement au moyen de la commission dite des réguliers eut prononcé la destruction de l’ordre de Grandmont, les biens que possédait cet ordre dans le diocèse de Limoges furent unis à la manse épiscopale. Aussi ce fut aux frais de l’évêché, qu’en 1788, on exécuta des travaux considérables à la bonde de cet étang. M. Laurier, curé de Thouron bénit ces travaux le 4 mai 1788. Le gouvernement s’empara peu après de tous les biens du clergé et chargea le district et l’administration des domaines de vendre cet étang. La vente eut lieu le 18 avril 1791, et on en retira la somme de 14200 francs. Aujourd’hui il est revenu la propriété de la maison de Thouron.

La Valette : 6 maions, 6 ménages, 35 habitants. Avant 1475, ce bien appartenait à Jean Faulcon, qui en parle dans son testament.

Villat ou Villard : on ne retrouve plus le nom de ce village, où habitait en 1572 Jean d’Adam un des syndics de la paroisse.

Les documents

Le texte du testament de Jehan Faulcon, seigneur de Thouron, nous a été conservé par Robert du Dorat. Malheureusement il referme plusieurs mauvaises lectures qu’il n’est pas facile de rétablir ; aussi sa traduction est elle assez hasardée en plusieurs points. Malgré cela on y remarque de fort curieux usages de cette époque déjà reculée.

Ce texte n’est pas complet, les dernières lignes manquent. Simon Descoutures, chargé de la vérification des titres de la noblesse en 1666 a examiné ce testament, et il nous apprend dans son Nobiliaire que Jehan Faulcon testa faveur de son fils Antoine.

You Johan Faulcon, chivalier, tengut segond la rosade deu monde, seignour et administrator del’hostel et terre de Thoront et de Saint-Pardoulx ; cognoissent que tous esmes en aquet paubre monde come hosteis et peleris ; et que noeys en heritage perpetuel ; et que tous devem desirar a parvenir au benoit reaulme de paradis ; considerant que non es chauso pluscertaine que de la mort, et ny plus incertaine que l’ouro : you, per la grace de Dieu, estant so de mon corps, et en mon bon perpoux, sens et memoire ; non voulent departir de quet miserable monde sen premierement ordonar de mon arme et corps, et de beys lous quaulx nostre Seignour me ho donnas et preytas en aquet monde, sen faire mon ordenance, testament et darniere volontat : laquale chause you fault en la meillour forme et maniere que siax ni peu, en eissi que senset ; en fasen le signe de la honorade croux : in nomine Patris et Filii et Spititus sancti, amen, Jesus.

Premierament recommande mon arme et mon corps à la infinide misericorde de notre Seignour Dieu, lo Paire tout poisant, deu Fils et deu Saint-Esprit, qui es la saincte Trinitat, lous treys en une personne ; et beneyte vergene Marie, precieuse pucelle Marie, sa benoite maire ; et a Monsieur Saint Michau, l’archange ; a M. saint-Gabriel, l’ange ; a mon bon ange qui m’a engarda, a M. saint Johan-Baptiste, saint Peyr, saint Pau, saint Andriou, saint Marsau, saint Lienard, saint A nthoni, saint Eutropie, saint Sebastie, et saint Christophe ; a mas damas saincte Anne, saincte Marie Magdeleine, saincte Catherine, saincte Cecilia, saincte Valeria ; et generalement a tous les saincts et à toutas las sainctas, angeux, archangeux et patriacheys, evangelistes, apostous, confessours, prophetas, ignocens et vergenas de paradis ; aux quaulx et a laqualas humblement requeris que me sian advocats et advocadas envers nostre Seignour Dieu Jesus-Christ et a sa misericorde, et que lour plaisso de mettre en advode, et govidnar ma maulre arma a l’outre de mon trepas.

Item. _ Vuelh et ordonne que la sepulure de la paubre charonthe de mon corps sie en la eglise de monsieur saint Peix de Thoront, davant l’oustard de monseignour saint Marsau, ou est sepulturat monseignour Louis Faulcon, chivalier, mon pair, auquau nostre Seignour face marse et misericorde et a moux predecessours.

Item. _ Vuelh et ordene que si ou cas avet que Dieu permette que you trapasse a la guerre ou alliours loin, per que mon corps se peuche estre bounemant portat a ladite esglieso de Thoron, que quand mon corps siro defiunt, que on fasse coment que sia a porter moux hos en ladiche esglieso de Thoron per mo heritier ci dessoubs nommat, qui sero seignour de Thoron.

Item._ Vuelh et ordene et commande à mon héritier qui sera dessoubs nommat per estre seignour de Thoron, et à moux exequitours, que ci ampres serant nommas, que tous moux debtes sian payas, amendas, et restituas plainement.

Item. _ Vuelh et ordene que, le jour que mon corps sera sépulturat, que y sians covidas trente et un prestre a disre messas, pregar Dieu per mon arme et de moux parens ; et que chalcun aye treys souls, et equillz qui dirant messas en chants qualtre soulx ; et a tous lour dinar ; et que y aye treze paubres a qui l’on donne a chascun lo drapt de une raube bonne et bon drapt et treze torchas de sero que tendrans lousdicts paubres, chascune torche de trys lioras de sero ; laqualas demorans en service de ladicte esglieso, et autant a la septene de toutas chausas ; et autant au bout de l’an de prestres ; et de prestres que y en aye cinquante qui ayant pareillement come sur eis dict de raubas ; aultres treze paubres a ladicte septene et au bout de l’an ; mas qui ne pourrie à la septene que remuden lou jour un meys ampres, et que au bout de l’annade y aye haulmone credade, et a tous aquils qui y voldriant venir ayant un liart de treys deiniers et lour refectiou, et a chacun jour de ladicte septene et bout de l’an, y aye autant de torchas comme sus en dict, et de chacuns treys lioras, et aultras douze torchas de chacune une liore et demien et l’aultre luminaire necessaire. Et que tout demoure au service de ladicte eglieso et de le chapelo de Magdelaine.

Item. _ Vuelh, ordene et commande que, au bout de l’an et mais qui porie à la septene, tous moux homes et vesis siant covidas a venir a mas nopsas a laquaux prege a tous que fassian bonne charo ; et que aqui l’on aye un religieu qui generalement, de par me, requero pardon au poble qui aqui syro, et a tous aultres, de ce que non loux aye adjudas en lour necessitas, mas lour ay demandat lou lour et faist demandar, preys et fait prendre injustemant ; en non ay point mantegut justice, et que point n’ay faict mon devoir enver ils ; et que lour plesso de me pardonar et pregar notre Seignour per mon arme ; et que me donnen chiecung cinq Pater Noster et sept Ave Maria. Et fasso assaber à tous que aquils que ne me vouldrian pardonnar que lour semblaire que me ou mon dict paire lour tanguessiam tort, sie heritages ou aultras chausas, que vuelhan a mon dict heritier qui sero seignour de Thoront, et expressement à nous exequetours, lous quaulx veilh que incontinent satisfacion planierement so que aquils vouldrian juras et mettre sur lour arme, que lour teniens tort, qui justement et incontinent non monstrari lo contrarie per gens de be sens me alegear ny mon dict pairs nostras lettras ni pocessious.

Item. _ Vuelh et ordene que despeis lo jour de mon trepas jusques au bout de l’an , que l’on me fasso dire chacun jour, durant tout l’an, uno meso audict autar davant ma sepulture nonobstant tous loux autreys services dessus per me commandas ; ont en aye de la saincte Trinitat, de Notre-Dame, et en l’honneur deux saincts et sainctas dessus nommas et may de las douas pois de requiem en remissieu de tous de tous pechas et defaliments de mondict paire, parens et beifactours.

Item. _ En remissieu deu defaillimens et redemption de las armas de mondict pay et may, de tous moux parens, parentas, beifactours et que poirien tenir fort, et per la mie paubre arme, you ordene, constitui et funde perpetualement et a toujours, mays uno messo lo septaime, tous lous dilus, de requiem en ladicte eglieso de Thoront, audict outar de nostras sepulturas ; laquale messo fonde de cent soubs monede corrent ; loux quaulx assigne saubre l’ostan noble de Vileta sos tengudas oportenuras cinquante soux, trento soubs sobre l’eritage deu Mas et sas epartenenses ; et douze soubs sobre la Valeta et la Mazeyro, sobre so que en te Symon de la Valeta ; a payar a chacun an lous dict cents soubs, au vicari que diro ladicte messo, soubre los heritages susdicts ; et vuelh que mosseu Marsau de Saint-Moras prestre, si es en vite et vertus, l’aye et la sierve tant que porro ; en aprs que sio a donar a mon heritier et successour a quieu que sero seignour de Thoron a toujours mays, et vuelh et ordone que touchant toujours mays ladicte rende bono et valable, seis en re faire perdre au prestre qui serviro, la somme de cents soubs ; et, en cas que per guerras, ou mortalitas ou aultrement ladicte rendo ne se porrie be pegar, yeu la assigne perpetualement sur l’ostar et seigneurie de Thoront et sas apartenensas, ou que toujours mais en aultres bons leues l’on la assigne et teno l’on bonnoo a perpetuolement franche et be payade au vicari et prestre qui serviro ; et en defaut de payemen, tous jours la assigne e perpetuelitat en ladict maison de Thoron, at que aye a toujours mays, et quieu qui sero seignour de Thoron a tener lou dict heritar (outar) devant nostras dicts sepulturas, be que et ornat de lior vestemens, en calice, trallas, luminario et aultras chaussas necessarias…

Fact lo XXVIIIème jours de mars l’an mil IIIICLXXV.

Traduction:

Moi Jehan Faulcon, chevalier…………………………………………….seigneur et administrateur de l’hôtel et terre de Thouron et de Saint-Pardoux ; connaissant que tous nous sommes en ce pauvre monde comme hôtes et pèlerins ; et que nous ne l’avons pas en héritage perpétuel ; et que tous nous devons désirer parvenir au béni royaume du paradis ; considérant qu’il n’est pas de chose plus certaine que la mort, et ni plus incertaine que l’heure : moi, par la grâce de Dieu, étant sain de mon corps et en mon propos, sens et mémoire ; ne voulant partir de ce misérable monde sans premièrement ordonner ce qui regarde mon âme et mon corps, et les biens que Notre Seigneur m’a donnés et prêtés en ce monde, sans faire mon ordonnance, testament et dernière volonté, laquelle chose je fais en la meilleure forme et manière qui soit et peut, et ainsi qu’il s’en suit ; en faisant le signe de la croix vénérée : au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Jésus.

Premièrement je recommande mon âme et mon corps à l’infinie miséricorde de Notre Seigneur Dieu le Père tout puissant, du Fils et du Saint-Esprit, qui est la sainte Trinité, les trois en une personne ; et la bénie Vierge Marie, précieuse pucelle Marie, sa bénie mère et à Monsieur saint Michel, l’archange ; à M. saint Gabriel, l’ange ; à mon bon ange qui me garde ; à M. saint Jean-Baptiste, saint Pierre, saint Paul, saint André, saint Martial, saint Léonard, saint Antoine, saint Eutrope, saint Sébastien, saint Christophe ; et à Mesdames sainte Anne, sainte Marie-Madeleine, sainte Catherine, sainte Cécile, sainte Valérie, et généralement à tous les saints et à toutes les saintes, anges, archanges et patriarches, évangélistes, apôtres, confesseurs, prophètes, innocents et vierges du paradis ; auxquels et auxquelles je demande humblement qu’ils me servent d’avocats et d’avocates auprès de Notre Seigneur Dieu Jésus-Christ, et à sa miséricorde, et qu’l leur plaise de me mettre parmi ceux qu’il reconnaît, et garder ma pauvre âme à l’heure de mon repos.

Item. _ Veux et ordonne que la sépulture de la pourriture de mon corps soit en l’église de Monsieur saint Pierre de Thouron, devant l’autel de monseigneur saint Martial, où est enseveli monseigneur Louis Faulcon, chevalier, mon père auquel Notre Seigneur fasse merci et miséricorde et à mes prédécesseurs.

Item. _ Veux et ordonne que si le cas arrive que Dieu permette que je meure à la guerre ou ailleurs au loin, et que pour cela je ne puisse être aisément porté en ladite église de Thouron, que lorsque mon corps sera détruit, l’on fasse alors de manière à porter mes os dans ladite église de Thouron par les soins de mon héritier, ci-dessous nommé, qui sera seigneur de Thouron.

Item. _ Veux et ordonne et commande à mon héritier qui sera ci-dessous nommé pour être seigneur de Thouron et à mes exécuteurs qui ci-après seront nommés, que toutes mes dettes soient payées, amendées et restituées entièrement.

Item. _ Veux et ordonne que, le jour où mon corps sera enseveli, on invite trente et un prêtres pour dire la messe, prier Dieu pour mon âme et celles de mes parents ; et que chacun ait trois sous, et ceux qui diront la messe chantée quatre sous ; et à tous leur dîner ; et qu’il y ait treize pauvres, auxquels on donnera à chacun le drap d’une belle robe et de bon drap, et treize torches de cire qui resteront pour le service de ladite église, et autant de toutes chose à la septaine ; et autant de prêtres au bout de l’an : et des prêtres qu’il y en ait cinquante qui aient pareillement comme il est dit ci-dessus, pour les robes, autres treize pauvres à la dite septaine et au bout de l’an ; mais ceux qui ne le pourront à la septaine, qu’ils viennent un mois après et qu’au bout de l’an il y ait aumône criée et que ceux qui voudront y venir auront un liard de trois deniers et leurs repas, et à chaque jour de la dite septaine et au bout de l’an, qu’il y ait autant de torches comme il est dit ci-dessus et chacune de trois livres et demie, et l’autre luminaire nécessaire. Et que tout demeure pour le service de la dite église et du chapelain de Madeleine.

Item. _ Veux ordonne et commande que au bout de l’an et pareillement à la septaine tous mes hommes et voisins soient invités à venir à mes noces pour lesquelles je demande à tous qu’on fasse bonne chaire et qu’il y ait un religieux qui généralement et de ma part demandera pardon au peuple qui y sera, et à tous les autres de ce que je ne leur ai pas porté secours dans leurs nécessités, si je leur ai demandé et fait demander ce qui leur appartenait, pris et fait prendre injustement ; et ne leur ai point rendu justice et ai manqué à mon devoir envers eux ; et qu’il leur plaise de me pardonner et prier Notre Seigneur pour mon âme et que chacun me dise cinq Pater Noster et sept Ave Maria. Et qu’il fasse savoir à tous ceux qui ne voudraient pas me pardonner, qui croiraient que moi ou mon père leur aurions fait tort soit pour des héritages ou pour autres choses, qu’ils adressent à mon dit héritier qui sera seigneur de Thouron et expressément à mes exécuteurs, lesquels selon ma volonté, satisferont immédiatement et entièrement ceux qui voudront jurer et mettre sur leur âme que nous leur avons fait tort, et qui avec la justice et immédiatement ne seront pas contredits par des gens du bien, sans alléguer pour moi ou pour mon père nos titres et possessions.

Item. _ Veux et ordonne que depuis le jour de ma mort jusqu’au bout de l’an l’on me fasse dire chaque jour, durant toute l’année, une messe à l’autel devant mon tombeau, nonobstant tous les autres services que j’ai commandés ci-dessus : qu’il y en ait de la Sainte-Trinité, de Notre Dame et saintes ci-dessus nommés, et même deux messes de requiem pour la rémission de tous les pêchés de mon dit père, parents et bienfaiteurs.

Item. _ En rémission des fautes et pour la rédemption des âmes de mon père et de ma mère, de tous mes parents, parentes, bienfaiteurs et qui pourraient avoir quelques torts et pour ma pauvre âme, j’ordonne constitue et fonde perpétuellement et pour toujours, une messe de requiem chaque semaine, tous les lundis, en l’église de Thouron, à l’autel de nos sépultures, laquelle messe je fonde de cent sous, monnaie courante, que j’assigne sur la maison noble de Villate et ses dépendances pour cinquante sous, trente sous sur l’héritage du Mas, que tient Pierre du Mas et sur ces dépendances, et douze sous sur la Vallette et la Mazeire, sur ce qu’en tient Simon de la Vallette : à payer chaque année au vicaire qui dira la dite messe, les cent sous pris sur les héritages susdits ; et je veux que Monsieur Martial de Saint-Moras, prêtre, s’il est en vie et en santé, l’ait et la conserve tant qu’il pourra ; après elle sera à donner par mon héritier et successeur qui sera seigneur de Thouron et toujours ainsi, je veux et ordonne que toujours cette rente bonne et valable soit pour le prêtre qui servira cette fondation, et sans rien retrancher de la somme de cent sous, et au cas où par suite de guerre ou de mortalité, ou autrement, cette rente ne pourrait être payée, je l’assigne perpétuellement sur le château et la seigneurie de Thouron et sur ses dépendances, ou que pour toujours elle soit assignée sur quelques autres bon lieu, et qu’on tienne bonne et perpétuellement franche, et qu’elle soit bien payée au vicaire et prêtre qui servira cette fondation ; et à défaut de paiement je l’assigne pour toujours et à perpétuité sur la dite maison de Thouron et qu’il en soit ains toujours dans la suite ; et celui qui sera seigneur de Thouron et tiendra l’autel devant nos sépultures, le pourvoira des ornements, calice, nappes, luminaire et autres choses nécessaires….

Fait le XXVIIIème jour de mars de l’an mil quatre cent soixante quinze.

Grande chasse de Grandmont donnée à Thouron.

Le 9 septembre 1790, je me suis rendu à Limoges accompagné du sieur Martial Merliadon, officier municipal et électeur du canton de Compreignac, habitant le présent bourg de Thouron, et de là chez M. Legros, vicaire de Saint-Martial, qui a eu la bonté de nous accompagner le lendemain à une des salles de l’évêché, où étant, il m’a remis les reliques des saints, avec une chasse, comme il est dit au procès-verbal, déposé, ainsi que les lettres et autres pièces à ce concernant, dans les papiers de la cure. Le onze des dits mois et an que dessus, les susdites reliques ont été conduites par moi et déposées dans la chapelle Saint Roch en cette paroisse ; d’où le lendemain elles ont été transportées en grande célébrité en l’église paroissiale, après vespres. Le jour fixe annuel de leur fête, vénération et procession, est aussi indiqué dans les susdits papiers déposés parmi ceux de la cure. En foi de tout quoy nous avons signé pour servir et valoir en toute vérité. _ A. E. LAURIER, prêtre, curé.

A Thouron, le 11 septembre 1790.

Source : Monographies des villes et villages de France sous la direction de M.-G. Micberth, Nantiat et ses environs par l’Abbé Lecler, Res Universalis, 1990, réimp. de l’édit. 1871, 1890, 1892, 1894, 176p.