François Dupuy de Saint-Florent, chevalier de l’Empire, maréchal de camp.
Il est né le 1er février 1773 à Limoges et baptisé à saint-Pierre du Queyroix. Son père est Martial Dupuy bourgeois. Sa mère Jeanne-Claire Poncet, épouse Dupuy.
Nous savons qu’il fit des études. De nombreuses années plus tard, il racontera :
« Lorsque je rentrai, après six ans d’absence, des collèges où j’avais fait mes études, il y avait à la maison un domestique prénommé François ».
Pour éviter les confusions dues à la présence de ces deux François, ses parents prirent l’habitude de l’appeler Victor. C’est la raison pour laquelle on le trouve parfois sous ce prénom ou celui de François-Victor, ce qui lui causera quelque déboire au cours de sa carrière.
Il s’engage dans les rangs de la Garde Nationale à Limoges dès sa création. A l’automne 1791, il est du nombre des volontaires du deuxième bataillon de la Haute-Vienne commandé par Jourdan. Il y est élu caporal le 21 octobre 1791, quelques jours avant son départ pour le Nord de la France.
En 1792 : le deuxième bataillon fait partie de l’Armée du Nord lors de la déclaration de guerre.
En 1793 : Armée de la Moselle. Il est nommé sous-lieutenant au 71ème Régiment d’infanterie le 30 avril 1793.
2ème, 3ème, 4ème, 5ème années républicaines : Armée de Sambre et Meuse. (sept 1793-sept 1794, 1794-95, 1795-96, 1796-97).
Le 15 germinal an II (4 avril 1794) il devient lieutenant à la 13ème demi-brigade. Le général en chef Jourdan écrit le 28 germinal an III (17 avril 1795) :
« J’ai choisi le citoyen François Dupuy, lieutenant à la 132ème demi-brigade pour mon aide de camp… »
Le 15 messidor (3 juillet 1795) Dupuy rejoint deux de ses compatriotes également aides de camp du général : Nicolas Ducheyron déjà lieutenant-colonel et Léonard Cacatte, capitaine.
Le 23 vendémiaire an V (14 ocotbre 1796), il est nommé capitaine à la 108ème demi-brigade.
An VI (1797-98) : blocus d’Exeinbrecksein. Dupuy se distingue au blocus de cette forteresse d’une grande importance stratégique (elle commande le Rhin et la Moselle).
An VII (1798-99) : armée du Rhin et d’Helvétie. Dupuy participe aux actions de la 108ème demi-brigade.
An VIII, an IX (1799-1800, 1800-01) : armée du Rhin. Ci-dessous confirmation de son emploi de capitaine titulaire dans la 50ème demi-brigade auquel il avait été nommé par Masséna sur le champ de bataille.
La 50ème demi-brigade participe à la campagne d’Allemagne sous les ordres de Moreau. Elle se fait remarquer au combat d’Albrebruck le 28 avril 1800, puis à Engen, et le 6 juin à Kirchberg où 2000 prisonniers tombent entre ses mains. Après la paix d’Amiens, la 50ème est en garnison à Mayence puis à Nimègue.
An XI (1802-03) : Armée de Hanovre.
An XII (1803-04) : Armée de Batavie.
An XIII (1804-05) : Armée des Côtes de l’Océan, Camp de Montreuil.
Face à l’Angleterre, Napoléon regroupe à Boulogne, les différents régiments qui vont constituer la Grande Armée.
An XIV (fin 1805-1806-1807-1808) : Grande Armée, Corps du Maréchal Ney.
Dans la troisième division placée sous les ordres de Malher se trouvent entre autre le 27ème de ligne (colonel Bardet, Maison-Rouge) et le 50ème de ligne avec notre capitaine Dupuy. Le général Malher après une revue avait écrit à son propos :
« Jeune officier plein de feu et d’activité, ayant toute l’instruction et tous les talents requis pour être un très bon chef de bataillon. Bonne moralité, éducation soignée ».
Après un vif combat, le 50ème s’empare du pont de Reisenberg sur le Danube. Les ennemis s’étant retranchés dans la ville d’Ulm, le 50ème les poursuit :
le 23 vendémiaire an IV (15 octobre 1805) Ulm va être le témoin d’une action d’éclat de François Dupuy qui y devient un véritable héros. Ce sont les termes retenus, à propos de cette bataille, dans deux de ses états de service que nous reprenons :
« Etant capitaine de grenadier, il entra le premier dans les retranchements d’Ulm qui furent enlevés de vive force ; ayant reçu l’ordre de (finir ?) (suivre ?) ce premier succès, il encouragea les grenadiers par son exemple dirigeant leurs coups et pénétra à leur tête jusque (dans ?)les fortifications de la ville où il devint le but de tous les traits d’un ennemi infiniment supérieur en nombre et ayant tout l’avantage de la situation…il se battit seul contre cinq officiers. En tua deux et blessa les autres ».
Nous laisserons les officiers de santé nous parler des blessures reçues ce jour-là ; ils en dénombrent douze, en réalité il s’agit de 14. Il avait donc été laissé parmi les morts jusqu’au lendemain où il est fait prisonnier, mais très rapidement libéré. Après son congé en France, il passe à l’état major du général Grouchy.
Le 16 mai 1806, il devient chef de bataillon du 14ème de ligne. Et ce sera une nouvelle action d’éclat à Iena.
« Le 14 octobre 1806, il repoussa avec deux compagnies la charge de plusieurs escadrons prussiens, leur tua beaucoup de monde, reçut un coup de feu et une forte contusion et malgré cela continua de commander pendant toute la bataille ». La victoire est complète.
Deux mois plus tard, c’est la Pologne. « Le 24 décembre 1806 au passage de la Wkra ou Ukra en Pologne, il passa le premier à la tête de son bataillon, ayant de l’eau par dessus la ceinture ; il s’est particulièrement distingué à ce passage où toute l’artillerie ennemi fut prise ».
Puis voilà la sanglante bataille d’Eylan. « Le 8 février 1807, il s’est distingué à la bataille d’Eylan où il fut blessé d’un coup d’obus ». Il est alors proposé par Soult pour le grade de colonel, il est nommé peu de jours après le 20 février 1807 colonel, commandant d’armes. Il reçoit de Napoléon une aigle d’honneur. Et c’est le 10 octobre 1808, qu’il est colonel attaché à l’Etat Major de la Grande Armée.
Ses nombreuses blessures et quelques autres problèmes obligent François Dupuy à demander tous les ans un congé pour se soigner dans une station thermale. Parti en Espagne, dans le 4ème corps du Général Lefevre en octobre 1808, il y restera peu de temps, puisqu’un congé pour une nouvelle cure, signé Jourdan, est daté du 18 mars 1809 de Madrid.
1809-10 : en Brabant. C’est le 8 août 1809, qu’il est nommé colonel commandant le fort de Lieskenshock. Quelques jours après, le 20 août 1809, le chef d’Etat Major général, lui écrit du quartier général d’Anvers, une lettre qui fera bouillir d’indignation notre héros.
» Monsieur le Commandant,
Voici l’instant de vous distinguer, le Ministre de la guerre vous a placé à un poste honorable, il faut y périr plutôt que de l’abandonner aux anglais, ils ne tarderont pas à vous attaquer, prenez toutes vos mesures pour bien les recevoir. Rappelez-vous que la mort est préférable au déshonneur. S’il vous manque des munitions, des hommes, des vivres, demandez sur le champ et tout vous sera accordé.
Le prince commandant en chef se repose sur vous pour la défense d’un point aussi essentiel à conserver. Répondez moi de suite ».
Voici l’annotation portée par Dupuy sur cette lettre :
« Répondu que (c’)est dans mon âme et dans mon coeur que je sais ce (dont) un homme comme moi est capable, qu’il garde ses conseils pour lui, les siens et ceux qui pourraient en avoir besoin ».
Il semble que la lettre suivante adressée à l’Empereur sans être datée soit de peu postérieure au document précédent (une lettre de Berlin du 10 juillet 1808 réclamait également le commandement d’un régiment).
« Sire,
Blessé seize fois dans les campagnes d’Autriche, de Prusse et de Pologne, Votre Majesté me nomme Colonel pour avoir un commandant d’armes de 3ème classe en France.
L’effet des eaux m’ayant été salutaire je continuai à servir activement en Prusse, en Pologne, en espagne et dernièrement sur l’Escaut où je fus envoyé pour défendre le fort de Leiskenshock alors menacé par les anglais.
Etant dans la force de l’âge et ayant toujours servi dans la ligne, j’ai sollicité l’honneur de commander un régiment et je supplie Votre Majesté de daigner m’accorder cette faveur.
Si je ne craignais d’être indiscret je supplierai Votre Majesté de daigner jeter un coup d’oeil sur l’état de mes services, peut être me jugera-t-elle digne du titre de baron dont on a honoré beaucoup d’autres colonels.
J’ai également l’honneur de supplier Votre Majesté de daigner se rappeler que la demande de la croix d’officier de la légion d’honneur lui fut adressée en ma faveur après la bataille d’Yena et après le passage de la Wkra le 24 décembre et que je n’ai encore rien reçu.
Daignez pardonner à un de vos bons et fidèles serviteurs la liberté qu’il ose prendre, sa témérité trouvera son excuse dans le coeur paternel de Votre Majesté qui ne verra en moi qu’un militaire zélé qui ne demande qu’à verser le sang qui lui reste, en combattant pour la gloire de vos armes ».
Dupuy chevalier de l’Empire. est-ce la réponse aux rappels précédents ? Napoléon vient d’instituer un nouvel ordre : celui des Trois Toisons d’Or.
« Mes aigles ont conquis la Toison d’Or des Rois d’Espagne et la Toison d’Or des Empereurs d’Allemagne. Je veux créer pour l’Empire français un ordre des Trois Toisons d’Or. Ce sera mon aigle aux ailes déployées tenant suspendues dans chacune de ses serres une des Toisons antiques, en montrant fièrement à son bec la Toison que j’institue ».
Le nombre de promus devait être fort restreint et la décoration accordée seulement à des militaires d’une bravoure exceptionnelle.
François Dupuy figure parmi les toutes premières propositions. L’ordre des Trois Toisons d’Or resta, peut-on dire, à l’état de projet et sera intégré ultérieurement à la Légion d’honneur.
Pour certains, Napoléon n’aurait pas donné suite en raison de son mariage avec Marie-Louise et pour ne pas porter ombrage à la famille de celle-ci. Marbot un autre des tout premiers promus donne également une autre raison : l’Empereur se rendait compte que l’existence de ce nouvel ordre pourrait dévaloriser la Légion d’honneur à laquelle il était fort attaché. Désirant conserver tout son éclat à sa première fondation il préféra y fondre les Trois Toisons.
Napoléon nomme notre militaire chevalier de l’Empire sous le nom de Dupuy de Saint-Florent, par lettres patentes du 29 septembre 1809 ; constitution d’un majorat en Wesphalie.
Voici ses armes : « D’argent à la fasce de gueules chargée du signe des légionnaires, accompagné en chef à semestre d’une tour ruinée d’argent et à destre d’une main armée d’une épée aussi d’argent ; en pointe d’un puits de sable soutenu de sinoples et adextré d’un saule pleureur de même ».
Direction du convoi funèbre.
Le colonel Dupuy va aussi dans les mois suivants se voir confier une mission émouvante.
La très haute estime que portait Napoléon au maréchal Lannes est bien connue, les talents militaires de ce dernier aussi. Ce que l’on connait peu c’est la réussite exceptionnelle du général lors d’une mission au Portugal où ses méthodes peu orthodoxes en diplomatie avaient conduit à un résultat dépassant toute espérance. sa façon directe de voir et de dire les choses, il la conservera jusqu’à sa mort, critiquant vigoureusement l’Empereur dans sa poursuite de la guerre. Malgré cette grande liberté de langage il resta toujours proche de celui-ci. A la bataille d’Essling, début mai 1809, où il se conduisit une fois encore en héros, il est grièvement blessé, sera amputé et mourra le 31 mai.
Napoléon qui avait assisté à son agonie en pleurant écrivait ce jour même à la veuve : « …ma peine égale la vôtre. Je perds le général le plus distingué de mes armées…celui que je considérais comme mon meilleur ami. Sa famille et ses enfants auront toujours des droits particuliers à ma protection… ».
Il décide de le faire embaumer, puis de lui rendre un hommage solennel en faisant transporter son corps de Strasbourg à Paris l’année suivante.
Le Ministre de la guerre écrit au général commandant la 5ème division militaire de Strasbourg.
« …Mr le colonel Dupuy….à la fin de la cérémonie recevra le corps du feu Duc à la porte de la cathédrale conjointement avec Mr l’abbé Jousion désigné par Sa Majesté le Ministre des Cultes avec Mr Crêpy capitaine au 1er régiment de Chasseurs-tirailleurs de la Garde, membre de la famille du maréchal et désigné par elle, pour cet objet.
…Il…aura la direction du Convoi » (Extrait des Archives municipales de Strasbourg paru dans le Maréchal Lannes, favori de Napoléon, p386).
Treize coups de canon devaient être tirés à l’entrée et à la sortie de toutes les places de guerres situées sur le parcours.
Notre colonel choisi, parce qu’il fut si souvent blessé, pour conduire le corps de celui qui le fut lui-même treize fois (beaucoup plus si l’on en croit le tsar), va nous donner son témoignage sur cette longue marche.
« …dans tous les départements que j’ai traversés en transportant le corps de Son Excellence, j’ai été à même de juger jusqu’à quel point se portaient les regrets et l’admiration du peuple pour le héros qui en était l’objet. Partout les magistrats, les militaires, le peuple jetaient des pleurs sur la tombe et toujours aussi les larmes s’y mêlaient. des couronnes y étaient partout déposées, chacun à l’envie me demandait l’honneur de veiller près de lui… » (extrait d’une lettre du colonel cité dans le Maréchal Lannes, p278 ; figure également à la p283, un extrait d’une lettre du tsar « qui avait tant d’estime pour Lannes…je vous jure que j’ai donné à la situation du maréchal Lannes autant de regrets que s’il était l’un des miens…j’y ai pensé toute la nuit ».
Arrivé à Paris le corps de Lannes est déposé sous le dôme des Invalides, près du tombeau de Turenne. Puis il sera porté dans l’église sous un catafalque formé par une grande pyramide d’Egypte. Au bout de quatre jours, a lieu la cérémonie qui précède le transfert du cercueil au Panthéon.
Les cloches des églises sonnent, treize coups de canon sont tirés à intervalles réguliers.
Depuis Strasbourg et jusqu’à la fin du parcours la musique militaire a toujours accompagné le cortège. Enfin arrivé à son terme, le corps de Lannes est descendu à bras dans la crypte, par des grenadiers décorés et blessés dans les batailles où il a combattu. Enfin le maréchal Davout adressera les adieux de l’armée à son illustre compagnon.
Nous avons simplifié à dessein l’ensemble des hommages rendus au méaréchal (le corps du général Saint Hilaire ami de Lannes est lui aussi ramené de Strasbourg à Paris et restera aux Invalides), mais nous avons tenu à vous faire connaître cet épisode, pour vous montrer le faste entourant certains évènements exceptionnels, pour vous permettre d’imaginer la marque profonde laissée dans l’esprit des personnes présentes, mais aussi de tous les contemporains, par des cérémonies grandioses glorifiant l’armée et pour que vous jugiez, par vous-même, de l’honneur ainsi fait au colonel Dupuy de Saint Florent.
Est-ce à l’occasion de la préparation de ce transfert que François Dupuy demande directement à l’Empereur le commandement d’un régiment ?
Voici en tout cas la supplique qu’il adresse de Paris le 3 avril 1810 au Ministre de la guerre :
« Mon prince,
j’ai eu l’honneur de soumettre à Sa Majesté l’Empereur dimanche dernier qu’ayant été nommé à cause de mes blessures de colonel pour avoir un commandement d’armes, j’avais toujours servi activement et je la suppliais de me donner un régiment.
Sa Majesté me dit de m’adresser à vous mon Prince afin que vous lui en fassiez un rapport.
J’ai l’honneur de prier Votre Altesse de m’accorder sa bienveillance ».
1810-1811 : en Corse
Le 20 août 1810, il est nommé Colonel commandant du 1er régiment de la Méditerranée.
On le retrouve alors en Corse en cette fin d’année 1810. Il est à Calvi en avril 1811 ; un certain nombre de ses soldats y étant décédés à l’hôpital, il demande à récupérer leurs uniformes et effets personnels, ce qui lui est refusé pour éviter que ne se propage l’épidémie dont ils ont été victimes.
1812-1813 : Grande Armée
A la citadelle d’Arras en 1812, il en part comme attaché au Grand Quartier général et participe à la campagne de Russie.
Au cours de la retraite il a les pieds gelés, perd son cheval, revient avec une hernie et une affection nerveuse.
En mars 1813, il est employé au 3ème corps de la Grande Armée en Saxe aux ordres de Ney. Celui-ci le 9 juillet 1813 demande la croix d’officier de la légion d’honneur pour Dupuy « ancien et bon officier, mais qui à cause du mauvais état de sa santé suite de ses nombreuses campagnes et blessures ne peut plus, du moins pendant quelque temps servir activement », il sollicite pour lui un commandement à l’intérieur dès que sa santé sera affermie.
1814 : campagne de France
Nommé général de brigade le 24 janvier 1814, il rejoint l’armée de Lyon où il retrouve le général Bardet de Maison Rouge.
A la bataille de Limonest, Dupuy a son cheval tué sous lui et perd l’essentiel de son harnachement.
La 1ère Restauration
Bien qu’il ait dès le mois d’août 1814 exprimé son attachement à (son) légitime souverain et qu’il ait été nommé chevalier de Saint-Louis, il est mis en non activité le 1er septembre 1814.
Il est question de nommer des maréchaux de camp comme commandants de la garde nationale dans le départements aussi écrit-il de Limoges le 1er novembre 1814 pour solliciter un commandement qui lui donnerait la solde entière.
Après avoir affirmé son attachement inviolable à l’illustre famille des Bourbons on le voit encore demander à servir activement le 15 février 1815 pour des raisons éminemment pécuniaires : « n’ayant d’autre fortune que mon coeur ; mon bien est mon épée, ne possédant pas autant de terrain qu’il en faudrait pour me faire enterrer ».
Les Cent jours
Nous le retrouvons au retour de l’Ile d’Elbe affirmant son dévouement à l’Empereur :
« Mézières le 20 avril 1815.
Mon premier devoir en recevant l’ordre de me rendre ici a été d’obéir avec un coeur et une âme toute de feu et tout dévoué à l’Empereur, j’aurai l’honneur de vous faire observer que mutilé de onze coups de sabre, de deux coups de baönette d’un coup de feu et d’un coup d’éclat d’obus, le crâne ouvert en trois endroits, l’épaule gauche qui fut sectionnée d’un coup de crosse de fusil dans une mêlée d’infanterie, attaquée d’une manière effrayante d’un rumatisme gouteux qui me met hors d’état de servir pendant un tiers de l’année, plus une hernie qui m’est survenue dans la campagne de retraite de Moskou, mon cheval s’étant abattu sur moi, toutes ces raisons m’avaient fait vous demander le commandement du département dans les provinces du Midy, si Votre Excellence ordonne que je permette avec quelque général qui sera peut-être plus dispos que moi, mais pas plus dévoué à l’Empereur ».
De là il se rend à Philippeville où le général Vandame avait demandé qu’il soit nommé, dans les termes suivants :
« …il est couvert de blessures et attaqué de la goutte…il est très énergique, très distingué et on ne peut plus dévoué à l’Empereur, mais il ne peut être employé que dans une place. Je le propose pour Philippeville où nous n’avons personne… ».
Il est commandant supérieur de Philippeville et Marienbourg lorsqu’il écrit au Ministre de la guerre du quartier général le 14 mai 1815.
« A son Excellence,
j’ai l’honneur de rendre compte à Votre Excellence de ma réception de lettres de service, pour être commandant supérieur de la place de Philippeville. Dès mon arrivée ici je formai…une compagnie d’artillerie bourgeoise. Je requis des paysans pour travailler aux fortifications, ordonnai aux forestiers des coupes de bois, fit des réquisitions de transports et d’hommes de corvées, de façon que du jour de mon arrivée qui fut le 2 mai, je mis la place à l’abri d’un coup de main.
…je mettrai tout mon zèle et tous mes soins pour servir utilement l’Empereur.
J’avais eu l’honneur d’écrire à Votre Excellence en lui faisant connaître de combien de manières j’avais été blessé et les infirmités en tout genre dont j’étais accablé ; mais qu’avec une âme et un coeur tout de feu je pouvais toujours donner des preuves de mon dévouement ; j’ai aussi l’honneur de (vous) demander, lorsque la ville ne sera plus en état de siège de me donner un commandant de département dans le midi de la France, mes infirmités ne s’accordent nullement avec le froid du nord ».
La seconde Restauration
Le 1er septembre 1815, François Dupuy est mis en non activité. Il souhaite cependant le 9 septembre 1815 servir le Roi en Corse.
C’est une toute autre réponse qui va lui être faite puisqu’il sera inscrit sur la liste des officiers suspects d’avoir des opinions favorables à l’ »usurpateur » où il se trouvera en compagnie de Duclou du Theillol.
Nous verrons du reste au cours des années 1816-1822 que des appréciations contradictoires seront portées sur cet homme.
Ayant demandé en janvier 1816, l’autorisation de se rendre à Paris pour affaire, son dossier est soumis à la commission d’examen. Son dossier est examiné sous le numéro 889. Les pièces à charge sont constituées par ses lettres précédentes e particulier celle des Cent jours ; on lui reproche les termes d’ »obéir avec un coeur et une âme de feu et tout dévoué à l’Empereur, deux fois répétés ».
L’avis est le suivant : »Refusé : écrire au Ministre de la Police que ce n’est pas un homme dont il faille tolérer la présence à Paris ».
La même année en octobre à Limoges : « Quoique les autorités locales n’aient pas donné dans les premiers temps après le licenciements de l’armée des notes avantageuses sur officier général, Monsieur le Général commandant du département de la Haute-Vienne me mande qu’il ne lui est parvenu aucun sujet de plainte sur son compte et qu’au contraire, chaque fois qu’il a eu l’occasion de le voir il lui a parlé de manière à lui faire croire à son dévouement.
le 28 octobre 1816 ».
Au cours de l’année 1817 nous aurons encore des points de vue divergents. Un rapport du 21 février 1817 indique : « La conduite de cet officier (a) été comme j’ai pu m’en convaincre par moi-même constamment sage et très mesurée ».
Et François Dupuy reçoit en mars 1817 l’autorisation de se rendre à Paris pendant un mois.
Voici par contre la lettre du maire de Limoges au Préfet accompagnant la liste des officiers à demi-solde.
« J’en ai rempli les cadres après avoir pris tous les renseignements que j’ai pu me procurer ; je n’ai consulté que des personnes extrêmement modérées afin d’écarter tout esprit de parti et malheureusement vous y verrez que l’article opinion ne leur est pas favorable. Cependant il faut espérer, que perdant tout espoir de revoir l’usurpateur, ils se rallieront franchement au gouvernement d’un roi qui ne veut que leur bonheur ».
Nous voyons cependant que les personnes dites extrêmement modérées n’ont pas manqué d’inclure en août 1817 François Victor Dupuy et Léonard Gabriel Duclou du Theillol parmi ceux qui sont hostiles au gouvernement ; et nous pouvons également lire sur cette liste des observations particulièrement outrées.
En 1820, François Dupuy qui souhaite à nouveau se rendre à Paris reçoit une autorisation pour deux mois, en 1822 ce sera pour une durée de trois mois.
Cette même année, le 16 décembre, il sollicite auprès du Ministre de la guerre l’autorisation d’épouser une demoiselle Laure Bourdeaux ; l’approbation est datée du 20 décembre ; cependant le mariage n’aura pas lieu et nous ignorons pour quelles raisons.
Nous ignorons également quand, comment et où il devint propriétaire dans la commune de Saint-Jouvent. Nous savons seulement que le préfet l’y nomme maire en 1821.
J. Tintou nous dit qu’il aida ses administrés de ses conseils ; mais là encore les documents consultés restent mués.
Mis en non activité le 1er septembre 1815 avec un traitement de cinq mille francs par an (décision du 20 mai 1818), il est mis à la retraite (avis du 1er décembre 1824) à compter du 1er janvier 1825 avec une pension de quatre mille francs par an. C’est à cette époque qu’il donne sa démission de maire de Saint-Jouvent.
La Monarchie de Juillet
Au cours des années suivantes les infirmités de François Dupuy de Saint-Florent le rendent peu à peu incapable de se déplacer ; il aura bientôt besoin de deux hommes pour se mouvoir. L’on comprend aisément que ses besoins financiers augmentent avec ses misères. Lorsque Louis-Philippe arrive, après le Révolution de Juillet, il fonde tous ses espoirs sur le nouveau gouvernement ; c’est pourquoi quelques mois après, déçu il écrit :
« Limoges le 14 octobre 1830.
J’ai reçu la portion d’eau bénite ministérielle que Votre Excellence a eu la bonté de m’envoyer par ses deux missives.
J’en avais encore une assez bonne provision de celle que le Ministre Clermont-Tonnerre m’adressa en me mettant de disponibilité à la retraite par son ordonnance du 2 décembre 1824.
Mes compatriotes me demandent tous les jours si mon sort est amélioré, si l’on m’a rétabli sur le cadre de disponibilité d’où le Ministre anti-national m’avait écarté et sur ma réponse négative on hausse les épaules et chacun me dit : allez trouver notre excellent roi, montrez-lui votre figure sillonée par les sabres ennemis, vos membres mutilés et il vous rendra justice.
Une cotterie m’avait enlevé mon traitement, notre heureuse Révolution devait me le rendre, mais votre décision m’a été contraire ; en me donnant la retraite de lieutenant général mon sort eut été amélioré, mais il est dit que le Ministre national me laissera où m’a placé le Ministre anti-national.
Je n’ai d’autre fortune que mon coeur, mon bras, mon épée et seize blessures en combattant les ennemis de la patrie. J’ai commencé la guerre en 1792 avec les premiers coups de fusil comme sous-officier dans le bataillon de volontaires du maréchal Jourdan et n’ai finit qu’avec les coups de canon de 1815, je ne prendrai point près de Votre Excellence un ton suppliant quand je n’ai à attendre que de la justice d’un homme qui, pendant trente six ans, fut mon camarade et ami.
Craignant que votre secrétaire général ou le chef de division ne vous donne ou le chef de division ne vous donne connaissance de ma missive, je vais la faire imprimer dans toutes les gazettes, afin qu’on nous juge ».
Le 15 mars 1831 le maréchal Jourdan intervient auprès du Ministre de la guerre pour lui obtenir un emploi sédentaire malgré ses nombreuses blessures. Il ajoute : « Votre Excellence…ferait tout à la fois un acte de justice et un acte d’humanité ».
François Dupuy de Saint-Florent est alors compris dans le cadre de réserve de l’Etat major général le 22 mars 1831.
Cette situation durera jusqu’au 1er mars 1835 où il est mis une seconde fois à la retraite, cette fois avec une pension augmentée de huit cents francs (un cinquième en plus, ordonnance du 5 avril 1832).
A quelque temps de là n’ayant pas, dit-il, l’argent nécessaire pour le voyage lui permettant de prendre les eaux, il demande une aide au fonds de l’ordre de Saint-Louis.
« Je désire beaucoup que vous vous rappeliez notre vieille intimité de l’armée de Sambre et Meuse et que vous puissiez quelque chose pour un vieux camarade. Si on eut payé l’arriéré de la Légion d’honneur je n’aurais rien sollicité ».
En 1836, il adopte l’un de ses neveux : Antoine Télesphore Vignaud fils de sa plus jeune soeur. Il meurt à Limoges le 8 septembre 1838.