« Les livres de raison constituent pour les médiévistes une des rares sources capables de leur permettre de connaître la vie de quelques notables de la fin du Moyen Age ».
Tous les défunts ont droit à une évocation même brève, soit sous forme de généalogies chez Etienne Benoist ou Psaumet Péconnet, soit sous forme de notices individuelles, pour quelques autres.
Certains auteurs tiennent à conserver des évènements malheureux, ou qui ne sont pas à la hauteur du prestige que l’on veut atteindre.
Ainsi nous pouvons lire la phrase suivante :
Pt Lp rpfpdpt gplppnp bpynpycp : il s’agit là d’une note ajoutée par Psaumet Péconnet lors de la rédaction de la naissance de son fils aîné. A mots couverts, il fait comprendre qu’une de ses belles-sœurs, Galiane Beynech, a refusé d’être la marraine de son fils, Pierre. Il semble qu’il souhaite garder en mémoire le refus de cette belle-soeur, perçu somme toute comme un affront, mais » sans braver ouvertement la grande famille dans laquelle il a été si fier d’entrer et dans laquelle il a pour ambition première de faire sa place. »
Nous apprendrons au fil de la lecture de son livre de raison que cette même belle-soeur acceptera de devenir la marraine d’Etienne, troisième enfant de Psaumet Péconnet. Les raisons d’un tel revirement demeurent inconnues. Réconciliation, signe d’une meilleure intégration de l’homme nouveau dans sa prestigieuse belle-famille ou d’autres mobiles encore ?
« Le livre de raison apparaît par sa nature même, comme le livre des secrets et des aveux privés par excellence. » Il est, en principe réservé à la consultation familiale, non au monde extérieur, encore moins à la publication, laissant ainsi au rédacteur un espace d’expression libre à moindre risque.
Les auteurs sont surtout préoccupés de transmettre aux générations futures des renseignements utiles sur le passé familial, proposant des modèles pris autant dans la vie du rédacteur et parmi les morts de son temps que dans une mémoire familiale lointaine et prestigieuse.
Jean Tricard, Livres de raison, chroniques, terriers…les passions d’un médiéviste, éd. Pulim, 2007, pages 243 à 251.