Les livres de raison sont laissés sans titre par leur auteur. Alors pourquoi ce terme ?
Ce sont les « érudits-éditeurs » du 19ème siècle, qui ont donné ce nom à ces recueils, mais pas seulement, nous trouvons aussi livre de famille, mémorial, mémento, registre domestique… Les auteurs des livres de raison parlent quant à eux de « papiers » notamment lorsqu’ils se référent à des documents de leurs ancêtres.
Cette profusion de nom montre la diversité de renseignements que propose ces documents.
La dénomination « livre de raison » a l’avantage d’englober la comptabilité des biens mobiliers et immobiliers et celle des hommes (vivants et morts) dans le seul but de la fortune familiale qui comprend tant la richesse que le besoin de mémoire.
» Depuis le fourre-tout familial, livre unique de familles d’un niveau social et culturel modeste, correspondant souvent à des familles de notables de petites villes, voire de gros bourg ruraux, jusqu’aux livres de famille spécialisés et prestigieux de la haute-bourgeoisie qui donne la primeur aux questions familiales proprement dites, elles gardent pourtant toujours une dimension financière » (Jean Tricard, Livres de raison, chroniques, terriers….les passions d’un médiéviste, éd.pulim, 2007, p 190).
Néanmoins il n’y a pas deux livres de raisons qui se ressemblent. Cela se comprendra facilement…de part les auteurs et leur vécu, de leur époque, de leur milieu social, de leur culture, de leur ressenti…
Il n’y a pas de modèle type, pas de modèle à suivre sinon celui légué par ses ancêtres, qui, s’ils sont vénérés pour leur ancienneté, ne sont pas, non plus, imités en tout.
La rédaction se fait de génération en génération. Ils sont écrits par et pour la famille et ne sont destinés qu’à elle.
Nous nous en doutons, certains auteurs préfèrent taire des épisodes peu glorieux de leur famille, car tous ont à cœur de la faire prospérer. La respectabilité et la fortune familiale sont les principaux moteurs d’écriture. Les listes de naissances, mariages et décès, les contrats de mariages, testaments, achats, ventes… servent à conserver, voire accroître le patrimoine familial.
Rares sont les livres de raison qui laissent place à l’affectif, sinon de façon contenue : un père qui relate le meurtre d’un de ses fils, la perte d’un enfant aimé en bas-âge, le départ d’un autre à cause d’une querelle…
Ces livres de raison sont précieusement gardés dans un coffre dans la maison où il rejoint ce que certains auteurs nomment « les papiers » légués par leurs prédécesseurs.
Le livre de raison ne quitte jamais la famille sauf s’il n’y a plus d’héritier.
Jean Tricard, Livre de raison, chronique, terriers…les passions d’un médiéviste, éd. pulim, 2007, pages 183 à 192.