Voici ce que Jean Tricard nous apprend :
« Les commérages sont une coutume ancienne en Limousin. Elles se pratiquent entre l’accouchement et les relevailles de la jeune mère, avant que celle-ci ait fait sa première visite à l’église pour s’y purifier des souillures liées à l’enfantement. Auparavant, ses amies sont venues « commérer » avec elle, apportant victuailles, pâtés de poulet, viandes et vin pour un repas pris en commun. Les hommes, l’accouchée n’étant pas encore rentrée dans la société chrétienne, sont, en principe, exclus de ces « commérages » entre femmes. »
Psaumet Péconnet a noté avec beaucoup de précision les « commères » venues rendre visite à sa femme, avec les provisions qu’elles lui offrent, et a indiqué combien de visites chacune lui a faites. A ses yeux, ces visites sont essentielles car ce sont les femmes des premiers notables de la ville qui se présentent. Il interprète ces « viages » comme autant de signes de l’ascension sociale de son couple. Il va jusqu’à noter, avec satisfaction, la visite de quelques hommes, « leur honorabilité faisant négliger les interdits ».
Psaumet Péconnet dresse une nouvelle liste de participantes aux « commérages » après la naissance de son second fils. Cette fierté montre qu’il détourne volontairement ou non le sens premier de ces visites, tel qu’il a été défini à plusieurs reprises par les autorités laïques et religieuses de la ville.
En effet, les ordonnances consulaires du 13ème siècle, les présentaient comme de pieuses visites »en l’amour de Dieu..à la pauvre femme gisant« , sans manger ni boire sinon frugalement. Les ordonnances somptuaires de la fin du Moyen Age tonnent contre les abus que provoquent les « commérages » et veulent les interdire ou les réglementer sévèrement : plus d’hommes, plus de victuailles, plus de vin, source de scandale. On demeure loin de cet idéal chez Psaumet Péconnet, et peut-être chez d’autres car la répétition des ordonnances et de leurs interdictions laisse penser qu’elles sont peu respectées et les « commérages » toujours populaires. Psaumet Péconnet ne les évoque plus à partir de la naissance de son troisième fils, moins peut-être par prudence ou scrupule tardifs que parce que sa position sociale est désormais assise.
Jean Tricard, Livres de raison, chroniques, terriers…les passions d’un médiéviste, éd. Pulim, 2007, pages 206 à 210.