Nouvelles mesures à propos de la religion, le calendrier républicain et les fêtes républicaines

Le clergé ayant abandonné ses dîmes au cours de la nuit du 4 août 1789, puis ses biens étant mis à la disposition de la nation (de même que celui des ordres religieux), les curés sont privés de ressources.

Juillet 1790 : Adoption de la constitution civile du clergé.

Les curés et vicaires deviennent des fonctionnaires « salariés ». Ils devront prêter serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi.

C’est seulement en mars 1791 que le pape condamne la constitution civile du clergé, qui d’après les experts est à peu de choses près identique, à ce qu’il a approuvé précédemment pour d’autres royaumes chrétiens.

Pour les 6 paroisses du canton de Nieul, les curés de Nieul, Saint-Gence, Saint-Jouvent, Veyrac prêtent le serment ainsi que l’abbé de Bœuil.

Celui du Buis signe après avoir expliqué pourquoi il avait hésité avant de le faire.
Effrayé au premier abord à l’annonce de ce serment, je ne vous dissimulerai pas Messieurs que j’ai senti bien de la peine et que j’étais très décidé à ne pas le prêter s’il eut été dans le cas de troubler ma conscience, je veux dire si je ne m’étais assuré d’auparavent que l’Assemblée nationale n’avait point entendu toucher au spirituel. Je ne fais nulle difficulté aujourd’hui. Bien persuadé que le serment concernant l’organisation (civile) du clergé décrété par notre auguste Assemblée nationale et sanctionnée par le Roy ne troublera jamais le repos de ma conscience.

Le curé de Peyrilhac le prête avec restriction.
Le curé de Chaptelat refuse.
Après avoir été tolérés et pourvus d’une petite pension, dès la déclaration de guerre, les prêtres réfractaires seront bannis et partiront vers l’Espagne, l’Italie…

Quelques Marianne

Quelques Marianne

De gauche à droite :
Buste de Marianne se trouvant autrefois dans l’ancien centre de tri postal, aujourd’hui les Archives municipales de Lyon.
Buste ancien de Marianne, exposé dans les couloirs du Sénat à Paris.
Buste ancien de Marianne, exposé dans les couloirs du Sénat à Paris.
Buste de Marianne, du sculpteur Chinard (1756-1813), Musée du Louvre.

 

L’an I de la République

20 septembre 1792 : Vote de l’état civil et du divorce.

21 septembre 1792 : La royauté est abolie en France

22 septembre 1792 : l’An I de la République

1er novembre 1792 : À Saint-Jouvent vérification des registres paroissiaux

4 novembre 1792 : À Saint-Gence : nomination d’un officier public chargé d’enregistrer les actes de naissance, de mariages, et de décès.
C’est le curé qui est élu à la majorité absolue pour assurer cette fonction

Octobre 93 : Fermeture des églises.
Adoption du calendrier républicain avec les décadis, les noms des mois et des jours ;
Adoption également de prénoms révolutionnaires souvent inspirés de l’antiquité.
Les communes portant un nom de saint doivent en changer.
L’adoption de ce calendrier devrait évidemment amener à de nouvelles pratiques.
Le serment qui doit être prêté devient alors :
« Serment de haine à la royauté et à l’anarchie, d’attachement et fidélité à la République et à la constitution de l’An III. »

Calendrier républicain

Calendrier républicain

Calendrier républicain
Estampe de Philibert Louis Debucourt, 1794. BnF, Paris.

Si l’on connaît à l’heure actuelle les nouveaux noms des 12 mois, l’on a oublié ceux qui ont été donnés aux trois décades, assorties si nécessaire de jours complémentaires.
Nom des productions naturelles et instruments ruraux associés aux dix jours de la première décade :
Primidi-primevère, Duodi-Platane,
Tridi-Asperge, Quartidi-Tulipe,
Quintidi-Poule, Sextidi-Blette, Septidi-Bouleau, Octidi-Jonquille, Nonidi-Aulne, Decadi-Couvoir.
Les autres décades ont la même conception… que l’on doit beaucoup à Fabre d’Églantine.

L’on comprend aisément que nos paysans de Nieul et Alentours aient été peu enclins à abandonner leurs anciennes coutumes de repos du dimanche et autres jours fériés pour chômer les décadis et travailler les dimanches. Quant à la municipalité de Chamborêt, elle se contente pendant une année au moins de mettre sur son registre de délibérations, la seule notation An II de la République, à côté des dates de l’ancien calendrier.

En l’An VII (nov. 1798), toujours pas de respect concernant le nouveau calendrier et l’on trouve sous la plume de Lézaud ancien curé de Jouvent et commissaire exécutif, les obligations suivantes :
« Le commissaire requiert… que les semailles étant finies, les décadis doivent être strictement observés, que les agents municipaux surveillent scrupuleusement qu’aucun citoyen ne travaille dans leurs communes respectives, que tous les membres de l’administration se rendent régulièrement en costume au lieu destiné à la réunion des citoyens pour y célébrer les décadis… »
Nieul et Saint-Gence en particulier se font rappeler à l’ordre depuis 1794, « en raison du fanatisme qui y règne. »

Calendrier républicain

Calendrier républicain

Fête célébrée en l’honneur de l’Être suprême, le 20 prairial an II de la République
Gravure à l’eau forte, coloriée, 1794, BnF, Paris.

Fêtes républicaines

À la fête de la Raison à Peyrilhac, on aura noté plus de 600 personnes au repas (voir Archives).
Assistance également nombreuse à Nieul à la fête de l’Être Suprême,

« Procès verbal de la solennité que notre municipalité a donné à la fête de l’Être Suprême.
Elle a suivi le projet et l’ordre de la dite fête à elle adressée par la municipalité de Limoges.
Le plus ancien d’âge a marché à la tête d’un pas grave portant une couronne de palme, accompagné de deux jeunes garçons et deux jeunes filles. Les premiers portant des branches de chêne, les deuxièmes des corbeilles de fleurs. Les cris de Vive la République, le roulement du tambour se faisaient entendre au loin.
La municipalité placée au centre de l’assemblée s’est rendue à l’endroit destiné à la fête. Là on y avait fait un ornement de feuillage, de fleurs et couronne de fleurs.
Le maire de la commune, après avoir parlé sur l’immortalité de l’âme, de l’Être Suprême, des Honneurs que chacun lui doit, il a terminé son discours par cette prière : Dieu de la Nature entend nos voix, reçoit nos hommages, exauce nos vœux, liberté égalité fraternité parmi nous et parmi nos frères de toutes les nations.
Cette prière fut répétée par trois fois, chaque fois accompagnée de roulement du tambour.
La joie régnait dans tous les cœurs… »

Il en était de même à Saint-Gence en l’honneur de la prise de Toulon.
Assemblée générale sur la place. Grand feu de joie. Effigie du grand scélérat Pitt ministre anglais promenée sur un âne autour de la place… Le maire a prononcé la sentence de ce monstre et l’a condamné aux flammes. Danse, chant de la Carmagnole, vive la République, vive la Montagne, vivent nos braves défenseurs. Chaque famille avait amené son fricot selon l’ordre donné. Le citoyen Mas-boucher officier municipal a donné le pain et le vin aux pauvres Sans culotte. Chaque famille aisée leur a (prouvé ?) le reste.
Tous ont mangé à la gamelle. On y a chanté , on y a bu à la santé de nos braves défenseurs, de nos députés montagnards, enfin à la santé de tous les républicains. Embellie par les sons des instruments champêtres… notre agent national a prononcé un discours (assorti ?) à la circonstance. Il s’est bu environ 4 barriques de vin et pouvait-il mieux être employé puisque personne n’a souillé cette fête par aucun mauvais propos ni aucun incident. A 5 heures du soir chacun s’est retiré avec une joie inexprimée sans bruit et sans tumulte.

En dehors de ces journées très largement suivies, les autres sujets choisis pour remplacer les nombreuses fêtes de saints supprimées, sont accueillis avec indifférence. Il en est ainsi pour la Jeunesse, les Époux, l’Agriculture, la Liberté…

Auparavant en Février 1795 : liberté des cultes
Eté 1795 : réouverture des églises. Il s’est agi d’environ deux ans de privation de messes, baptêmes, mariages ou autres activités paroissiales, qui reprendront peu à peu par la suite mais vous avez pu voir précédemment en l’an VII (1798) que le calendrier républicain devait toujours être observé et les offices religieux être célébrés les décadis.
Lorsqu’il sera abandonné, le nombre de jours chômés en dehors des dimanches va passer d’une trentaine à 4 par an : Noël, Ascension, 15 août, Toussaint. Nombreux seront ceux qui restent fidèles à leurs saints protecteurs et continuent à les célébrer, ne travaillant pas ces jours-là (ils ne lient point par exemple leurs bêtes).

Bonaparte « catholique pour le bien du peuple » entame de longues négociations avec le pape qui aboutiront au Concordat (septembre 1801).
L’ancien vicaire de Saint-Jouvent est resté en dehors de l’église, ainsi que l’ancien abbé de Boeuil ; par contre Heyraud, Filliatre, Pouyat, Morin ont repris leurs ministères respectifs.
Notons encore le destin de deux ecclésiastiques qui nous sont proches. Il s’agit de l’abbé Richard ancien vicaire de Veyrac, bien connu pour ses chansons limousines et précepteur de Jacques Joseph Juge de Saint-Martin, trop âgé il n’a pas été banni, mais emprisonné à la prison de Limoges. Quant à Jean-Joseph Juge de St-Martin frère de Jacques, ancien directeur du séminaire de Limoges, réfractaire, il fait partie du contingent de prêtres qui devaient être déportés en Guyane et se retrouveront sur les pontons de Rochefort. Il est du nombre des 64 qui ayant pardonné ont été déclarés bienheureux en 1995.